Les Musicales de la route Cezanne – Orchestre Philharmonique de Marseille

Château du Tholonet, le Tholonet, saison 2024
Orchestre Philharmonique de Marseille
Direction musicale Jane Latron
Récitant Yanowski
Trompette Franz Maury
Paul Dukas: “L’apprenti sorcier”; Igor Stravinski: “L’Oiseau de feu”
Henri Tomasi: Concerto pour trompette; Maurice Ravel: Boléro
Le Tholonet, 25 juillet 2024
Pour sa quatrième édition “Les Musicales de la Route Cézanne” présentent une série de concerts très alléchants et c’est devant le parvis du château du Tholonet que nous assistons au concert donné par l’Orchestre Philharmonique de Marseille. Musiques attractives qui, à 3 années près, ont toutes été composées au XX° siècle. Dirigé par la jeune Jane Latron, ce programme ambitieux nous donnera le plaisir d’écouter un jeune trompettiste et, chose assez rare, “L’Oiseau de feu” dans une version avec récitant. En cette soirée la nuit est belle et c’est sous un ciel étoilé que la jeune chef d’orchestre lève sa baguette pour imager les aventures de “L’Apprenti sorcier” de Paul Dukas avec humour mais pas que… Ce poème symphonique composé en 1897 inspiré d’une ballade de Goethe est si bien écrit qu’il inspirera à son tour Walt Disney pour son dessin animé “Fantasia” où Mickey se bat avec seaux et balais. Le succès sera alors planétaire. Avec précision Jane Latron nous fait ressentir les émotions du jeune apprenti, sa satisfaction de voir son balai transporter les seaux d’eau à sa place aux sons des bassons qui accélèrent, mais voilà que l’eau ruisselle, il a peur et ne sait comment arrêter son balai qui court sur les tremolos effrayants des violons, les accords nous font entendre les coups de hache alors qu’il casse son balai, mais celui-ci se démultiplie, on entend alors ses appels “A l’aide, à l’aide” rendus pathétiques par les cuivres. Le désastre annoncé est arrivé, l’alto solo plaintif nous montre un apprenti penaud devant le maître enfin revenu. Un moment de charme qui nous renvoie au Mickey de notre enfance avec son chapeau pointu. Charme encore avec cet autre conte, celui de “L’oiseau de feu” tiré du folklore russe et composé pour les ballets russes. Avec Igor Stravinski, l’orchestre devient flamboyant, utilisant les instruments pour leurs sonorités, allant du piccolo au contre basson, de la petite clarinette au tuba avec des changements d’atmosphères et de couleurs sous la baguette incisive d’une chef d’orchestre qui sait se faire plus discrète lorsque le récitant prend la parole. Le récitant, qui semble faire partie de l’orchestre tant sa voix grave est harmonieuse, c’est Yanowski. Certes, nous avons souvent l’occasion d’écouter cette œuvre symphonique pour orchestre seul ou avec le ballet, l’orchestre peut alors faire sonner les cuivres avec de grands éclats mais avec un récitant cela devient une œuvre différente, celui-ci tour à tour prince, oiseau ou Kochtchei le sorcier captive et entraîne l’auditeur au-delà des forêts dans un imaginaire enchanté et coloré ; captivant est bien le terme qui lui convient. Ses bras sont des ailes et sa voix nous emporte aux sons des instruments qui le portent, l’entourent et s’envolent avec lui. Cette version originale laisse ressortir les sonorités de la petite harmonie où les trompettes bouchées illustrent le propos du récitant. Aux sons langoureux des bassons la forêt se fait mystérieuse avec toujours cette voix grave qui raconte, accélère et nous emmène dans ce château où les visiteurs sont transformés en statues de pierre. Les belles couleurs de l’orchestre laissent entendre le solo de cor avant l’éblouissant final qui, en majeur, laisse sonner les trombones. Un beau voyage sur les ailes d’un oiseau flamboyant. Henri Tomasi est une figure marquante de la musique française du XXe siècle. Avec ce concerto, créé à la radio néerlandaise le 13 novembre 1948, le compositeur offre aux trompettistes une des plus belles pages écrites pour cet instrument. Franz Maury n’a que 20 ans, mais déjà un joli parcours musical. Il nous propose ce soir couleurs, atmosphères et reflets d’une certaine époque, dans ce concerto impressionniste et brillant qui demande technique et légèreté. Dans cette orchestration imagée les phrases sentimentales de la trompette qui résonnent dans un léger vibrato, signature du style français, font place au balancement jazzy ou au staccato virtuose. Musicalité et maturité déjà chez ce jeune interprète qui se lance dans une cadence aux aigus clairs et tenus avant une longue phrase souvenir. Nostalgie avec trompette bouchée pour un deuxième mouvement en complainte comme un chorus accompagné par la harpe sur de belles phrases au léger balancement en contrechant. Très vif, le troisième mouvement laisse éclater la virtuosité du jeune soliste toujours très à l’aise dans le staccato ou les phrases plus lyriques au style “noir américain”. Très belle interprétation où soliste et orchestre sont mis à l’honneur avec ovation pour le jeune trompettiste. On ne présente plus le “Boléro” de Ravel, ballet créé en 1928 et qui connaîtra aussi un succès planétaire. Le compositeur n’aimait pas particulièrement cette œuvre qui, comme “L’apprenti sorcier” de Dukas éclipse le compositeur. L’on reconnaît les thèmes de “Fantasia” sans en connaître l’auteur et, lorsque l’on siffle de par le monde quelques mesures du “Boléro”, en connaît-on pour autant Maurice Ravel ? Répétitive et basée sur 2 thèmes de 16 mesures cette musique a quelque chose de génial. 17 minutes sur le rythme obsédant de la caisse claire que nous saluons ici. D’une baguette énergique mais métronomique Jane Latron laisse ressortir les couleurs des instruments qui reprennent le thème. Les sonorités différentes donnent du relief et amplifient cet effet lancinant qui semble n’avoir pas de fin avec des cordes en pizzicati qui marquent certains temps dans un immense crescendo. Impossible de citer tous ces instruments, qui vont du piccolo à la petite clarinette pour les plus aigus pour descendre au saxophone plus feutré ou au contrebasson, éclairés quelquefois par la petite trompette. Superbe exécution de cette œuvre qui demande une grande concentration et vif succès très longuement applaudi. Photo Jean-Charles Verchère