Festival d’Aix-en-Provence: Klaus Mäkelä & Orchestre de Paris

Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, saison 2024
Orchestre de Paris
Direction musicale Klaus Mäkelä
Charlotte Bray : “A Sky Too Small”; Wolfgang Amadeus Mozart:  Symphonie n° 31 dite “Paris”; Hector Berlioz:” Symphonie fantastique”
Aix-en-Provence, le 13 juillet 2024
Les concerts dirigés par Klaus Mäkelä à la tête de l’Orchestre de Paris sont toujours très prisés du grand public et celui donné en cette soirée du 13 juillet ne fait pas exception. Ayant plusieurs fois apprécié la direction du jeune chef finlandais, c’est dans un calme quasi religieux que nous écoutons la création mondiale “A Sky Too Small” de la compositrice britannique Charlotte Bray, commande du Festival d’Aix-en-Provence et de l’Orchestre de Paris. Œuvre basée sur les sons et les atmosphères d’après l’histoire vraie d’une incarcération, une liberté volée, où ne reste à voir qu’un bout de ciel. Avec des gestes amples, Klaus Mäkelä laisse sonner l’orchestre dans des atmosphères étranges, parfois glaciales qui font ressortir les côtés sombres de l’âme humaine. Dans cette musique expressive les instruments utilisés donnent les couleurs mais aussi les sentiments, dans cet enfermement, où le captif tourne en rond, se repliant sur lui-même avec pour toute évasion ce morceau de ciel qui se rétrécit et devient captif à son tour. Les contrebasses et les bassons laissent vibrer les sonorités graves appuyés par les tubas ou le trombone basse. L’inquiétude survient aux sons des trompettes tonitruantes ou du piccolo plus strident. Dans cette orchestration où la caisse claire donne les battements, les petits gongs suspendus vibrent d’une façon particulière dans des dialogues dissonants. Un orchestre splendide qui laisse éclater la grosse caisse sur un ciel qui s’ouvre et disparait dans le pianissimo des violons. Œuvre intéressante, imagée et très musicale. Charlotte Bray, venue saluer, est accueillie par une salve d’applaudissements. Changement d’époque et de style avec la 31ème symphonie de Mozart. Cette symphonie, dite Paris, composée par un Mozart de 22 ans, alors qu’il réside à Paris justement, sera créée dans les appartements privés de l’ambassadeur du Palatinat. En 3 mouvements simplement, cette symphonie composée en majeur remportera un vif succès et apportera à Mozart la notoriété qu’il n’arrivait pas à trouver. Sans baguette et avec une certaine souplesse, Klaus Mäkelä, après les quatre accords attaqués sans brutalité, laisse jouer l’orchestre dans des sonorités homogènes ; la délicatesse du petit détaché des violons dans un tempo allant et soutenu, les sons posés des contrebasses et les nuances contrastées donnent les reliefs. L’Andante du deuxième mouvement joué sans lenteur est un trois temps élégant et légèrement dansant. Dans une interprétation esthétique, la ligne musicale soutenue amène de jolis rallentandi et l’Allegro très vif donne de la légèreté aux violons véloces qui introduisent une harmonie plus sonore dans une belle rondeur de son. Le tempo soutenu dans cette direction moderne et vigoureuse donne du relief à ce mouvement dans une certaine dynamique sur l’appui des contrebasses pour un final triomphant. Si la première partie de ce concert est tout à fait séduisante, la déception viendra de la Symphonie fantastique. Reprenant la baguette, Klaus Mäkelä nous propose une interprétation tout à fait personnelle de l’œuvre écrite par Berlioz dont les sentiments s’expriment ici avec beaucoup d’intensité. Composée en 1830, année des révolutions artistiques, cette symphonie, sorte de poème symphonique en 5 mouvements oscille entre classicisme et romantisme exacerbé pour un récit onirique sous prise d’opium. Introduites aux sons des violons avec sourdines, les Rêveries s’entourent d’un certain mystère avec un cor solo lointain mais cette lecture, très imagée aux nuances trop contrastées, enlève la fluidité du propos et même une certaine légèreté avec des expressions trop marquées et des fortissimi de timbales à casser tous les rêves. Le Bal semble vouloir sonner avec plus d’élégance mais la direction fougueuse du chef d’orchestre privilégie les accents trop prononcés et semble n’accorder que peu d’intérêt au solo pourtant mélodieux de la clarinette. La Scène aux champs donne de jolies couleurs avec le hautbois qui, des coulisses, répond en écho aux phrases d’un cor anglais nostalgique très présent. Mais, les contrastes excessifs des nuances coupent la ligne musicale et enlèvent à ces phrases musicales la simplicité de l’écriture. Pourquoi des roulements de timbales si puissants alors que le cor anglais s’éloigne et que les champs perdent de leur luminosité dans un joli diminuendo sur une longue tenue du cor solo ? La Marche au supplice est pesante avec un staccato très précis des bassons avant que l’orchestre ne se déchaîne dans une marche qui paraît plutôt une course aux décibels. Le Songe d’une nuit de sabbat semble vouloir marquer un certain mystère avec des tubas qui résonnent aux sons de cloches inquiétantes où s’oppose un choral de trombones pour quelques mesures d’un Dies irae religieux. Les sons grinçants des altos ou les col legno des violons rendent présents les ossements qui s’entrechoquent dans cette soirée où les sorcières se déchaînent. Très imagée, cette interprétation particulière nous a procuré une sensation de trop fort ; trop de contrastes où disparaissent les subtilités de l’écriture toute française d’un Hector Berlioz qui veut tout de même séduire. Une direction qui semble ne s’appuyer que sur la partition oubliant la ligne musicale dans une gestuelle étrange dont les temps sont marqués avec le corps, demandant aux contrebasses de faire de même afin d’accentuer l’impact visuel. Etrange ! Dommage de ne demander à cette superbe phalange que des effets de fortissimi avec des coups de grosse caisse jamais entendus jusqu’ici. Un immense succès qui ne nous convainc pas. Klaus Mäkelä a fait un show mais a laissé Hector Berlioz en route. Photo © Vincent Beaume