Marseille, Opéra municipal saison 2023/2024
“LES NOZZE DI FIGARO”
Opéra en 4 actes, livret de Lorenzo Da Ponte inspiré de la comédie de Beaumarchais.
Musique de Wolfgang Amadeus Mozart
La Comtesse PATRIZIA CIOFI
Suzanne HELENE CARPENTIER
Chérubin ELEONORE PANCRAZI
Marceline MIREILLE DELUNSCH
Barberine AMANDINE AMMIRATI
Le Comte JEAN-SEBASTIEN BOU
Figaro ROBERT GLEADOW
Bartolo FREDERIC CATON
Don Basilio RAPHAËL BREMARD
Antonio RENAUD DELAIGUE
Don Curzio CARL GHAZAROSSIAN
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Direction musicale Michele Spotti
Chef de Chœur Florent Mayet
Pianoforte Frederico Tibone
Mise en scène et costumes Vincent Boussard
Décors Vincent Lemaire
Lumières Bertrand Couderc
Marseille, le 24 avril 2024
En ce 24 avril nous assistions à l’opéra de Mozart “Le Nozze di Figaro” dans la reprise de la production de l’Opéra de Marseille donnée en avril 2019. Vincent Boussard signe costumes et mise en scène dans ces qui proquos et travestissements. Le parti pris baroque et un peu kitch mène cette journée tambour battant dans une direction des acteurs amusante, spontanée et millimétrée dans une dynamique aux rythmes de la musique. La mise en scène investit l’ouverture dans le désordre d’une pièce remplie de multiples objets, les instruments scientifiques projetés nous rappelant que nous sommes au siècle des lumières ; une pièce qui servira de chambre au couple Suzanne-Figaro lorsqu’ils seront mariés. Vincent Boussard mélange les époques dans ses costumes : élégant ensemble pantalon noir pour la Comtesse, robe courte et noire portée sur un collant vert par Suzanne, robe moulante pour Marceline, Figaro portant le pantalon noir et gilet du parfait valet et un manteau stylisé retour de chasse pour le Comte. Tout cela évolue fort bien avec, pour mélanger les styles, de grandes robes noires en papier très XVIIIe siècle pour les dames du chœur coiffées de hautes perruques. Décors minimalistes de Vincent Lemaire avec pour mobilier le strict minimum. Une méridienne, un cabinet vitré, une échelle et c’est à peu près tout pour la chambre des nouveaux mariés. Un grand cube ouvert sur la salle, avec portes et fenêtre, figure la chambre de la Comtesse; posé de guingois il montre sans doute la confusion des sentiments qui agitent cette femme trompée. Une porte vitrée s’ouvre sur le jardin avec des arbres en projection. Laissons-nous emporter par le talent des acteurs magnifié par les lumières conçues par Bertrand Coudrec. Les changements de couleurs rythment les atmosphères, allant jusqu’au sombre du jardin ou aux ombres chinoises d’un bel effet. Le Figaro de Robert Gleadow mène ses affaires rondement. A l’aise dans ses évolutions, bien dans sa voix au timbre chaleureux et aux graves sonores, le baryton canadien est le Figaro rêvé. Truculent, jaloux mais amusant et pourquoi pas sincère dans ses moments de naïveté. La Suzanne d‘Hélène Carpentier tient la dragée haute à l’arrogance du Comte. Sa voix agile de soprano au phrasé musical s’exprime avec vivacité et légèreté aussi bien dans les duos que dans son airs. Une prise de rôle réussie. Après avoir souvent interprété le rôle de Suzanne, Patrizia Ciofi reprend le rôle de la Comtesse chanté sur cette scène en 2019 pour la première fois. Elle est cette femme bafouée qui veut encore croire aux sentiments de son mari et exprime les siens avec élégance et sensibilité. Le timbre de la voix est délicat dans un vibrato homogène avec respirations et phrasé musical. Patrizia Ciofi est une merveilleuse Comtesse avec cette noblesse d’expression qui a su garder les côtés malicieux de la Rosine de sa jeunesse. Superbe interprétation ! Dans cette production le Comte a plus de virilité que de noblesse. Jean-Sébatien Bou incarne avec une grande présence cet homme impulsif au caractère sanguin qui se laisse facilement berner. Dans une voix solide aux graves profonds et projetés il hésite, doute, se met en colère, puis demande pardon et devient même touchant. Un Comte qui sait alterner force et nuances piano avec musicalité en gardant la rondeur du timbre. Belle interprétation pour cette prise de rôle. Le Chérubin d’Eléonore Pancrazi est vif à souhait, la fougue, l’impertinence de la jeunesse dans une voix projetée qui allie rythmes et vélocité. Dans une prise de rôle réussie Mireille Delunsch propose une Marceline amusante pour un récitatif en place aux aigus projetés dans une voix soutenue et timbrée. Prise de rôle encore pour la Barberine d’Amandine Ammirati au timbre rond et séduisant. Tous les rôles ont ici leur importance, soit pour le côté psychologique des personnages, ou pour le côté buffa. Frédéric Caton est un Bartolo truculent à la voix grave et une faconde brillante. Don Basilio a, lui aussi, le verbe facile dans la voix haut perchée de Raphaël Brémard bien dans son rôle aux insinuations mielleuses. Amusant le Don Curzio de Carl Ghazarossian bégayant, perché sur une échelle dans un costume emprunté à la commedia dell’arte et haut en couleur dans sa rudesse le jardinier Antonio de Renaud Delaigue. Bien dirigés, tous les artistes ont, dans une homogénéité de jeu et de rythme, apporté le souffle particulier à cet ouvrage. Le Chœur, peu sollicité mais bien préparé par Florent Mayet a su donner du relief à chacune de ses interventions dans des attaques parfaites. Le succès aurait-il été aussi total sans la direction inspirée de Michele Spotti ? Un orchestre à l’écoute dans un style mozartien et une rondeur de son que l’on apprécie jusque dans les attaques posées sans dureté. C’est aussi dans le choix des tempi toujours soutenus que le maestro excelle donnant les impulsions et le rythme, des musiciens aux chanteurs, sans aucune baisse de tension. Une mention particulière au pianoforte de Frederico Tibone. Un succès ! Photo Christian Dresse