Opéra Municipal de Marseille: “La veuve joyeuse”

Marseille, Opéra Municipal, saison 2023/2024
“LA VEUVE JOYEUSE”
Opérette en 3 actes, livret de Viktor Léon et Leo Stein d’après la comédie de Henri Meilhac
Musique Franz Lehár
Missia Palmieri  CATHERINE GILLET
Nadia, baronne Popoff  PERRINE MADOEUF
Olga Kromski  PERRINE CABASSUD
Sylviane Bogdanovitch SIMONE BURLES
Preiskovia / Grisette  ELENA FUR
Grisettes  MIRIAM ROSADO /FRANSCESCA CAVAGNA/ALINA SYNELNYKOVA
Danilo  REGIS MENGUS
Popoff  MARC BARRARD
Camille de Coutençon  LEO VERMONT-DESROCHES
Figg  JEAN-CLAUDE CALON
D’Estillac  MATTHIEU LECROART 
Lérida  ALFRED BIRONIEN
Kromski  JEAN-MICHEL MUSCAT
Bogdanovitch  JEAN-LUC EPITALON
Pritschitch  CEDRIC BRIGNONE
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Marseille
Direction musicale Didier Benetti
Chef de Chœur Florent Mayet
Mise en scène Jean-Louis Pichon
Décors et costumes Jérôme Bourdin
Lumières Michel Theuil
Chorégraphie Laurence Fanon
Marseille, le 4 janvier 2024
Pour les fêtes de fin d’année “La Veuve joyeuse”, l’opérette de Franz Lehár, était à l’affiche à l’Opéra de Marseille. Créée en 1905 au Theater an der Wien, cette opérette connut un succès international phénoménal. Viennoise, certes par son compositeur, mais dans un esprit français car adaptée du vaudeville de Henri Meilhac “L’Attaché d’ambassade”. Jouée 20 000 fois avant d’être créée à Paris quatre ans plus tard, pourquoi ce succès ? Une certaine légèreté qui renvoie à la belle époque, une élégance tout autrichienne, des airs faciles à retenir et une musique enlevée teintée de romantisme… Cette production créée à Saint-Etienne en 2022 casse un peu les codes. Moins festive, moins folklorique peut-être, mais un peu plus poétique. En mettant l’accent sur le couple vedette, Jean-Louis Pichon rend la pièce plus intimiste. Les lumières conçues par Michel Theuil nous transportent dans un univers bleuté propice aux romances laissant, dans un halo de lumière, ressortir les pas d’une valse lente et sentimentale. Le style Revue a-t-il inspiré Jean-Louis Pichon ? Les décors de Jérôme Bourdin pourraient le laisser croire : une estrade et une large descente d’escalier. L’ai-je bien descendu ? pourrait s’exclamer Cécile Sorel comme dans la Revue “Vive Paris” du Casino de Paris. Une grande cage dorée remplie de fleurs ouvrira sa porte au petit pavillon complice. Peu de décors donc, mais qui empêchent tout de même l’évolution des choristes confinés derrière l’escalier et c’est dommage. C’est aussi à Jérôme Bourdinque nous devons les costumes. Il ne semble avoir été inspiré que par ceux de Missia. Originaux, peut-être, élégants sans doute. Redingote noire laissant traîner une longue jupe couverte de fleurs colorées et chapeau haut de forme dès son apparition et fleurs encore pour la longue robe rose du dernier acte, mais très joli corsage blanc sur une ample jupe colorée au deuxième acte, qui laisse à Missia l’aisance nécessaire pour danser le Kolo, cette danse populaire de Moldave. Robe bleue élégante aussi pour l’ambassadrice Nadia. Et, puisque les dames du chœur sont cachées, pourquoi les vêtir de robes de réceptions ? Des costumes noirs d’ambassadeurs seront suffisants. L’accent n’est mis ici que sur les solistes. La mise en scène bien réglée épouse le rythme de la musique et procède de cette ambiance intimiste. La chorégraphie de Laurence Fanon intelligente, amusante apporte gaîté et animation avec un ballet de grooms tout de rose vêtus. Le succès du spectacle viendra sans doute des interprètes, bien dans leur rôle, bien dans leur voix. Anne Catherine Gillet est une superbe Missia qui séduit aussi bien le prince Danilo que le public. De l’allure, de la prestance et une voix colorée au timbre lumineux. Son léger vibrato laisse ce qu’il faut de vibrations à ses aigus tout en gardant la musicalité du phrasé. On se laisse entraîner dans sa chanson “Vilya Ô Vilya” tout en fredonnant “Heure exquise…” La Nadia de Perrine Madoeuf est élégante jusque dans ses hésitations ; cèderai-je ou non au charme de Camille de Coutançon ? Hésitations qui donnent à entendre de jolis duos avec son interprète, le ténor Léo Vermont-Desroches aux aigus percutants. Nous rêvons avec eux : “Rêvons, oui, rêvons…” avant d’entrer dans ce Joli pavillon sur cet air fameux empreint de fraicheur. Cèdera, ne cèdera pas, c’est la question que l’on se pose en écoutant la voix de baryton de Régis Mengus, ce Danilo noceur au cœur tendre, à l’aise et charmeur, drapé dans son manteau blanc qu’il porte avec négligence. Et l’on est bien soulagé lorsqu’enfin il prononce le “Je vous aime” que Missia attendait après avoir succombé à cette Heure exquise murmurée d’une voix chaude. Il faut signaler le jeu et la diction de Marc Barrard pour ce Popoff sous le charme des “P’tit’s femmes frivoles” après avoir chanté “Ah ! Les femmes…” dans un septuor très rythmé. Tous les artistes étant bien dans leur rôle, il faut citer le fougueux Lérida d’Alfred Bironien, le D’Estillac de Matthieu Lécroart à la voix sonore et bien placée, ainsi que Jean-Michel Muscat dans un Kromski toujours à la recherche de sa femme, Jean-Luc Epitalon (Bogdanovitch) ou Cédric Brignone (Prischitch). Une mention particulière pour l’amusant Figg de Jean-Claude Calon qui apporte une note de légèreté sans exagération. Ces dames, Perrine Cabassud (Olga Kromski), Elena Le Fur (Preiskovia), malgré leurs costumes noirs font ressortir une frivolité de bon ton à cette époque. N’oublions pas la Sylviane Bogdanovitch interprétée par la pétulante Simone Burles dans ce rôle de composition amusant. Sans doute revenons-nous, dans cette production plus épurée, à la tradition viennoise de sa création en enlevant certaines réparties qui ne pouvaient amuser que le public français mais que nous trouvions drôles et qui donnaient un certain relief aux personnages. C’est donc Didier Benetti, à la tête de l’Orchestre de l’Opéra de Marseille, qui donnera le rythme, les envolées et les couleurs contenues dans la partition orchestrale dans les intermèdes ou l’accompagnement des solistes avec les belles sonorités du violon et du violoncelle pour des solos langoureux. Et comme souvent, ici tout finit par un Cancan endiablé animé par des danseurs de talent. Une fin d’année très joyeuse… Photo Christian Dresse