Auditorium du Pharo, Marseille, saison 2023/2024
Orchestre Philharmonique de Marseille
Direction musicale Michele Spotti
Hautbois Francesco Di Rosa
Igor Stravinsky Pulcinella – Suite; Richard Strauss : Concerto pour hautbois en ré majeur; Franz Schubert: Symphonie N°4 en do mineur dite “La Tragique”
Marseille, le 3 décembre 2023
Si Michele Spotti a déjà dirigé l’Orchestre Philharmonique de Marseille, c’est la première fois qu’il se produit en tant que directeur musical de l’Opéra et de l’Orchestre, poste qu’il intègre en janvier 2023. Une prise de fonctions toute musicale, en cet après-midi du 3 décembre, avec un programme éclectique mais très attrayant. Stravinsky tout d’abord avec sa Suite Pulcinella, tirée du ballet composé pour les Ballets russes de Diaghilev ; une commande originale où le style du compositeur (l’Oiseau de feu, Petrouchka…) devait s’effacer devant des intentions et des harmonies plus baroques empruntées à Giovanni Battista Pergolesi, Domenico Gallo… Huit numéros de ce ballet napolitain, illustré sous forme de Commedia dell’arte, composent cette suite où dialoguent l’harmonie et le quatuor avec nostalgie, une certaine impertinence et quelques pas de danse. Dans une lecture intelligente, Michele Spotti fait ressortir l’expressivité poétique contenue dans la musique et les différents caractères qui la composent tout en trouvant l’unité musicale. Dans les sonorités sans doute mais aussi dans les enchaînements qui créent le lien. Si Stravinsky a trouvé le souffle et l’esprit de la musique ancienne, c’est avec une baguette énergique, ou plus souple, et même sans baguette que le chef d’orchestre fait ressortir chaque instrument soliste dans une illustration colorée. Le hautbois sur le contrechant des altos, le violon solo délicat dans une sorte de cadence aux influences provençales avec violoncelle en tambourin. Pourrait-on retrouver Bach dans les variations du hautbois et de la flûte soutenus par le staccato du basson ? Le solo de contrebasse au son plein est bien venu dans un marcato de caractère. La petite harmonie en choral associée à 4 solistes du quatuor soutient, sans lenteur, le trombone solo. Ici tout est illustration ; du talon, les violons marquent le tempo vif d’une danse menée par la trompette pour finir dans un tutti éclatant où l’unité de son est maintenue. Liberté, joie de ce Pulcinella qui pense à s’amuser et nous distrait. Avec ce concerto pour hautbois, nous abordons l’une des dernières compositions de Richard Strauss interprétée ici de façon magistrale par Francesco di Rosa. De forme classique ce concerto, composé en 3 mouvements enchaînés mais aux atmosphères diverses, est considéré comme l’une des œuvres les plus difficiles écrites pour cet instrument. Il permet au soliste de faire ressortir toutes les possibilités du hautbois, mais aussi de briller : technique parfaite, vélocité, musicalité sur une longueur de souffle qui stupéfie l’auditeur. Sous une baguette précise, dans un son clair et néanmoins moelleux, le soliste charme dans les phrases chantées où point un léger vibrato, laisse apercevoir l’humour toujours présent dans les œuvres de Strauss, enchaîne les notes avec vélocité ou les laisse ressortir avec délicatesse dans un staccato précis. Aucune stridence dans les notes aiguës mais tendresse dans un discours où l’on reconnaît les harmonies du compositeur et, pourquoi pas, quelques facéties de Till l’Espiègle, son poème symphonique, avec ces sauts d’intervalles et ces notes piquées jouées avec humour. Brillance du soliste, grande complicité avec le chef d’orchestre. Un immense succès ! Et peut-être une découverte plus approfondie de cet instrument. Avec “Gabriel’s Oboe” musique du film Mission d’Ennio Morricone, Francesco di Rosa, accompagné par l’orchestre, nous offre en bis un moment de nostalgie sur une longueur de souffle soutenue à l’infini. Schubert 1816, un saut en arrière de plus d’un siècle avec cette symphonie N°4. Si l’on y retrouve les influences de Beethoven, cette symphonie annonce déjà les suivantes. Michele Spotti prend l’orchestre à bras le corps, et c’est avec force et énergie qu’il baisse sa baguette pour un accord sonore. Le son, c’est dans cette recherche qu’il veut façonner l’orchestre, avec plus ou moins de puissance mais toujours avec rondeur, les notes posées au fond des temps. La nostalgie, la tristesse même, mais dans une légèreté qui peut aller jusqu’à l’espoir, car Schubert n’est pas Beethoven. C’est ce que le maestro insuffle à ses musiciens qui réagissent à sa baguette expressive avec des attaques sans dureté, des archets précis et des respirations qui aèrent le propos. Un deuxième mouvement joué sans lenteur laisse ressortir le hautbois dans un discours apaisé avec une certaine douceur même, comme en réminiscence et qui finit dans un long diminuendo. Dansant et marcato ce Menuetto où les forte laissent la place aux phrases musicales. Les violons semblent se déchaîner dans l’Allegro vif et précis, les temps marqués par les timbales se mêlant aux sonorités de l’orchestre pour des accents dans le son. Précision et légèreté, phrasé ou sensibilité dans un Finale enlevé. Joie de diriger, joie de jouer, plaisir d’écouter. Des applaudissements, des rappels, un immense succès !