Marseille, Théâtre de l’Odéon: “Les mousquetaires au couvent”

Marseille, Théâtre de l’Odéon, saison 2022/2023
“LES MOUSQUETAIRES AU COUVENT”
Opérette en 3 actes, livret de Jules Prevel et Paul Ferrier.
Musique Louis Varney
Simone KATHIA BLAS
Marie AMELIE TATTI
Louise MARLENE CONNAN
La Supérieure DANIELE DINANT
Sœur Opportune SIMONE BURLES
La Marchande de gâteaux DAVINA KINT
Première marchande / Agathe SABRINA KILOULI
Narcisse de Brissac LIONEL DELBRUYERE
Gontran CARLOS NATALE
Bridaine PHILIPPE ERMELIER
Le Gouverneur FLORENT LEROUX ROCHE
Pichard ANTOINE BONELLI
Un Moine / Farrin JEAN-LUC EPITALON
Un Moine / Rigobert PHILIPPE BERANGER
Figurant escrimeur HAGOP KALFAYAN
Orchestre de l’Odéon, Chœur Phocéen
Direction musicale Bruno Conti
Mise en scène Carole Clin
Décors Arnaud Delmotte
Costumes Opéra de Marseille
Marseille, le 18 février 2023
Un moment de réel plaisir au Théâtre de l’Odéon avec “” de Louis Varney. Classée comme opérette, cette œuvre se situe pourtant à la frontière de l’opéra-comique ; mi parlée, mi chantée, elle est le reflet d’une certaine époque où l’on aimait s’amuser et où l’on pouvait rire de certaines choses. Alphonse Varney, père du compositeur dirigera le Théâtre des Bouffes-Parisiens, puis sera nommé chef d’orchestre au Grand-Théâtre de Bordeaux. C’est dire si son fils est très tôt “tombé” dans la musique. Et quelle musique ! Celle de Jacques Offenbach sans doute, souvent mise en scène par M. Varney père. Nous ne sommes donc pas surpris d’entendre certaines mélodies que l’on pourrait penser tout droit sorties des pages d’un cancan d’Offenbach. Quelle époque que celle du tournant du XXe siècle ! Joie, bonne humeur, l’on se moque, l’on rit sur scène, mais toujours avec finesse. Qui sont donc nos Mousquetaires ? Un amoureux, un bon vivant et, si les militaires de Louis XIII s’affrontent à l’église du grand Cardinal de Richelieu, cela se fera à épées mouchetées. Cette œuvre qui connut un grand succès à son époque, n’a-t-elle pas été jouée à Vienne, Rome, à St Pétersbourg même, a toujours été défendue par de grands artistes, Mady Mesplé, Charles Burles, Gabriel Bacquier… Gérôme Deschamps l’a d’ailleurs mise en scène assez récemment avec Antoinette Dennefeld dans le rôle de Louise. Créée à Paris le 16 mars 1880, l’année de la mort de Jacques Offenbach, cette pièce pourrait paraître vieillotte, pourtant au fil du spectacle certains airs reviennent à la mémoire et l’on se prend à fredonner “Eh ! Oui, c’est moi l’abbé Bridaine…” ou encore : “Pour faire un brave mousquetaire…” La mise en scène est confiée à Carole Clin. La scène est certes moins vaste que celle de l’Opéra de Marseille où nous l’avions vue il y a bien longtemps, mais avec de l’imagination et beaucoup d’à-propos, mouvement et rythme sont insufflés aux acteurs qui soutiennent le tempo et l’attention du public. Nos héros, devenus moines, se mettent en prières alors que les mousquetaires du roi, en bons bretteurs croisent le fer. Du rythme donc, mais aussi beaucoup de mouvement dans la salle de classe où la Supérieure a bien du mal à contenir ces demoiselles, pensionnaires du couvent, toujours prêtes à s’amuser où à se faire enlever puisqu’elles sont d’ores et déjà séduites. Les décors d’Arnaud Delmotte procurent, avec intelligence et bon goût, tout le nécessaire à la compréhension. Un mur avec tourelle et nous sommes à l’intérieur du couvent, dans le jardin ; des pupitres en bois sur des gradins et nous sommes dans la salle de classe où un bureau un peu haut servira de chaire pour le prêche de Brissac habillé en moine. Les costumes empruntés à l’Opéra de Marseille sont charmants, ainsi les robes et tabliers aux couleurs pastel des pensionnaires, ou les cornettes des sœurs de St Vincent de Paul. Les Mousquetaires ont aussi fière allure et portent chasuble, cuissardes et feutres à plumes. Simone, la servante de l’auberge, portant bonnet blanc et tablier, est joliment habillée ainsi que les villageois. Le tableau ainsi peint, on suit l’action avec plaisir et amusement. Du rythme donc avec ce plateau homogène, les voix, le physique et l’âge des rôles. Tout concourt donc à nous faire passer un excellent moment. Lionel Delbruyère est Narcisse de Brissac, un baryton à la voix sonore et bien placée qu’il projette dans une bonne diction. De l’allure, du style jusque dans son legato ou ses aigus éclatants ou en demi-teinte. Son Air “Pour être un brave mousquetaire…”est chanté avec allant, entraînant le public. Amusant dans son jeu, il est crédible dans son ébriété même, alors qu’il tente de délivrer un prêche cohérent tout en ne résistant pas aux pruneaux à l’eau de vie. Carlos Natale est l’amoureux Gontran ; son léger accent et sa voix puissante de ténor séduisent Marie dès les premiers instants. A l’aise en mousquetaire, il est plus mesuré en moine alors qu’il essaie de modérer son compagnon qui fait quelques écarts dans sa tenue religieuse. Son chant est agréable et sa ligne de chant mélodieuse dans sa romance “ses yeux semblaient déjà me dire je vous aime…”. Les deux compagnons forment un beau trio avec l’Abbé Bridaine de Philippe Ermelier, tout de noir vêtu col de dentelle, voix de baryton posée et jeu à l’avenant. Se laissant entraîner par son affection le bon Abbé chante “Je suis l’abbé Bridaine…” sans se prendre au sérieux mais avec rythme et conviction. La voix grave de Florent Leroux Roche apporte l’autorité nécessaire au Gouverneur donnant du caractère au personnage. La bonhomie d’Antoine Bonelli, toujours juste et à l’aise dans ses rôles, donne à Pichard une réelle authenticité. Katia Blas est Simone. Alerte, mutine, enjouée, sa jolie voix de soprano aux aigus projetés et timbrés passe sans forcer ; elle donne rythme et bonne humeur dans sa chanson interprétée avec caractère. Amélie Tatti est la douce Marie. Sa voix claire apporte une note de tendresse dans sa romance, accompagnée par le solo de cor, et fait ressortir des aigus tenus et le joli phrasé de la ligne musicale. Plus délurée est la Louise de Marlène Dinant. Malicieuse alors qu’elle chante ” Curieuse ! Curieuse…” avec rythme et légèreté dans une voix homogène et musicale, elle apporte une note de fraîcheur dans un jeu enjoué et des aigus assurés. Avec beaucoup de soin et de véracité, la Supérieure de Danièle Dinant et la Soeur Opportune de Simone Burles nous font, avec justesse, entrer dans le couvent où l’on découvre avec bonheur que la vie n’y est pas aussi sévère qu’on aurait pu l’imaginer. Jolie prestation aussi de la Marchande de gâteaux de Davina Kint ainsi que l’Agathe de Sabrina KilouliJean-Luc Epitalon Moine/Farrin, et Philippe Béranger Moine/Rigobert donnent de l’authenticité à leurs rôles. Il faut féliciter le Choeur Phocéen pour cette prestation enjouée chantée avec précision et justesse dans un bel investissement scénique. Bruno Conti dirigeait avec beaucoup de sureté l’Orchestre de l’Odéon ; sonorités homogènes, rythmes et attaques précises. Sans jamais couvrir les voix, le chef d’orchestre a su tenir les tempi ou faire sonner les phrases musicales tout en apportant de la gaîté aux accents d’une joyeuse musique qui nous fait penser à un cancan. Ravi, le public reste jusqu’aux dernières phrases plusieurs fois bissées. Le but d’un spectacle n’est-il pas de procurer du bonheur ? Pari réussi. Photo Christian Dresse