Toulon, Opéra, saison 2022/2023
“SI J’ETAIS ROI”
Opéra-comique en trois actes, livret d’Adolphe d’Ennery et Jules-Henri Brésil
Musique Adolphe Adam
Néméa ARMELLE KHOURDOÏAN
Zélide ELEONORA DEVEZE
Zéphoris STEFAN CIFOLELLI
Moussol JEAN-KRISTOF BOUTON
Kadoor NABIL SULIMAN
Piféar VALENTIN THILL
Zizel MIKHAEL PICCONE
L’esclave JEAN DELOBEL
Atar FREDERIC JEAN
L’Adigar JEAN-FRANCOIS VERDOUX
Le médecin DIDIER SICCARDI
La voix PATRICK SABATIER
Orchestre et Chœur de l’Opéra de Toulon
Direction musicale Robert Tuohy
Chef de chœur Christophe Bernollin
Mise en scène Marc Adam
Décors Roy Spahn
Costumes Magali Gerberon
Lumières Hervé Gary
vidéo Paulo Correira
Nouvelle production de l’Opéra de Toulon
Toulon, le 18 novembre 2022
Présenter l’Opéra-Comique “Si j’étais roi” d’Adolphe Adam en ces temps où la morosité ambiante gagne peu à peu du terrain est une heureuse initiative. C’est donc une soirée plus qu’agréable que nous avons passée à l’Opéra de Toulon ce 18 novembre. Compositeur français, Adolphe Adam commence à composer dès les années 1830 dans une époque fertile en compositions et compositeurs inspirés aussi bien en France qu’en Europe. L’on joue, l’on crée, opéras, opéras-comiques et opérettes qui seront très à la mode. Il faut dire que le public suit, avide de musique et de divertissements. Malgré une vie assez courte, il meurt à 52 ans, Adolphe Adam ne composera pas moins de 46 opéras, opéras-comiques et 14 ballets, des œuvres qui seront régulièrement jouées dans nombre de théâtres parisiens. Si toutes ne sont pas restées dans les annales, certaines seront à l’affiche très longtemps, la preuve nous en est encore donnée ce soir. Compositeur et mélodiste très doué, Adolphe Adam est aussi loué par ses pairs (ce qui n’est pas toujours le cas). Successeur musical de Boieldieu, ce dernier parlait en ces termes de son ouvrage “Le Chalet”: “Je voudrais que cette œuvre fût de moi” et Tchaïkovski ne disait-il pas à propos de son célèbre ballet “Giselle” qu’il écoutait souvent: ” Cette œuvre est un bijou” ? Son ouvrage lyrique “Le Chalet”, considéré plus tard comme le départ de l’opérette, aura une grande influence sur les premières compositions de Jacques Offenbach. C’est donc une nouvelle production de “Si j’étais roi” qui nous est présentée ce soir dans la mise en scène de Marc Adam. Une mise en scène originale, onirique pour ce conte qui mêle ici rêve et présent. Zéphoris est employé dans un musée, au fil des salles il tombe en arrêt devant une jolie jeune fille qui copie un tableau. Ce tableau que nous voyons en grand format, – n’est-ce pas une œuvre du peintre hollandais de marines Willem van de velde l’ancien ? – nous plonge dans le rêve de Zéphoris qui s’est endormi mélangeant le livret à son rêve. Le tableau, admirablement encadré s’anime par un jeu de lumières et de vidéos et nous transporte aux Indes, à Goa, où de grands voiliers sont amarrés. Zéphoris, tombé sous le charme de la jeune fille qui peignait, l’imagine dans ce pays où, lui-même devenu pêcheur, la sauve de la noyade… Et le rêve suit son cours. “Ah ! Si j’étais roi…” et le voici roi, sorti du tableau avec ses amis, pour une aventure sur les bords de la mer Arabique. La mise en scène, bien imaginée, nous transporte de la plage au palais du roi Moussol par un jeu de cadres supposant divers tableaux. Conçu comme un conte, nous nous prêtons à ce jeu imaginé pour nous divertir. Les décors de Roy Sphan sont joliment élaborés et transportent le public au cœur de l’histoire comme l’on passe d’un tableau à un autre dans une galerie d’art ou un musée. C’est frais, agréable à l’œil et tout à fait en rapport avec cette musique. Les costumes, sans grande prétention, de Magali Gerberon sont colorés, mêlant vêtements de pêcheurs couleurs feuilles mortes à ceux plus somptueux de Néméa et du roi Moussol, ce dernier ressemblant plus à un costume de maharaja, mais n’est-il pas celui d’un roi ? Et Kadoor, tout en rouge et portant fez, est-il devenu grand vizir ? Zéphoris est resté dans sa salopette d’homme d’entretien qu’il troquera pour un manteau royal durant son court règne. Les lumières d’Hervé Gary ainsi que les vidéos de Paulo Correia donnent ces teintes dorées ou un peu voilées qui floutent les atmosphères dans des clairs obscurs, ou les rendent plus réelles avec vols de mouettes et gouttes d’eau réalistes. Le plateau est homogène dans une belle diction qui rend le texte en français très compréhensible et les Airs écrits en vers, au lieu de paraître désuets, donnent rythme et relief au récit. Stefan Cifolelli est Zéphoris, ce jeune homme rêveur et prompt à l’imagination. Le jeune ténor qui vient du Conservatoire Royal de Bruxelles, et qui parle parfaitement français, a su trouver le style juste et les inflexions qui siéent à la musique et aux mélodies d’Adolphe Adam. Sa voix claire aux aigus projetés laisse entendre un legato musical sur une belle longueur de souffle dans sa romance en deux couplets ” J’ignore son nom…” ainsi que pour la cavatine “Elle est princesse…Si j’étais roi…” qui laisse ressortir un charme mélancolique dans un joli phrasé. Très joli duo aussi avec Néméa empreint de fraîcheur dans un tempo allant. Sa voix paraît un peu faible, alors qu’il chante en fond de scène ? Erreur certaine de mise en scène qui ne prend pas assez en compte les voix. Jean-Kristof Bouton impose la beauté de son baryton dans le rôle de Moussol un roi somme toute débonnaire mais empli de charme et de majesté; de l’allure certes, mais doté d’une voix au timbre rond et chaleureux. Les deux couplets de l’acte I “Dans le sommeil…” chantés dans un joli style aux aigus en demi-teinte séduisent et sa voix au vibrato homogène passe sans forcer dans une belle diction; un chanteur de charme qui peut être amusant dans ce trio enlevé de l’acte I. Amusant aussi, dans un jeu vif, le Zizel de Mikhael Piccone qui laisse résonner sa voix de basse posée, sonore et puissante dans des rythmes qui donnent du relief. Valentin Trill prête sa voix de ténor claire et projetée dans un jeu plaisant et bien mené à Piféar. Ténor solide, il nous offre des aigus puissants sur une belle longueur de souffle. Belle musicalité dans son Air du pêcheur et duo rythmé avec Zélide dans un style buffa. Nabil Suliman est un Kadoor imposant et parfois même inquiétant dans sa voix grave et son costume rouge. Si on le trouve un peu raide dans son jeu et sa voix, il la projette toutefois avec vigueur dans une bonne diction. Le tempo allant et les rythmes marqués du trio de l’acte I le montrent plus léger et enjoué. Armelle Khourdoïan est une Néméa pleine de charme. Dans son costume blanc, cette jolie princesse impose sa voix assurée aux inflexions délicates. Très à l’aise dans ses vocalises justes et agiles, elle entonne son Air “Des souverains des rivages d’Asie…” avec sa voix lumineuse de soprano et nous offre trilles et vocalises sur un mélodieux solo de violoncelle. La fraîcheur de sa voix et ses aigus clairs séduite Zéphoris aussi bien que le public. Une interprétation musicale tout à fait dans le style de cette musique légère. Eleonora Deveze est la seconde soprano de l’ouvrage. Elle est ici une Zélide enjouée dont la voix se prête aux changements d’humeur du personnage. Son Air du début de l’acte III est sensible alors que sa voix s’affirme dans son duo avec Piféar où rythmes et nuances apportent fraîcheur et humour dans un tempo enlevé. Le Chœur bien préparé par Christophe Bernollin répond avec justesse à l’action de la pièce, allégresse, tristesse ou forte dans un “Gloire à Brahma” puissant ; avec ensemble et précision il est aussi bien sonore que poétique mais toujours avec le même investissement, sans oublier le chœur des femmes hindoues. Robert Tuohy est à la tête de l’orchestre et du plateau. Une direction sûre mais qui manque un peu de relief et de brillance par certains côtés, mais un orchestre très en forme qui défend avec style cette musique française qui fait ressortir de beaux solos de violon, violoncelle flûte ou harpe sans oublier le pupitre de cors. Une musique légère où l’on reconnaît par moments cette écriture de ballet qui a fait la renommée du compositeur : élégance et fluidité. Une représentation très applaudie pour la cohérence et la beauté du propos. Un grand bravo !