Grand Théâtre de Provence, Aix-en Provence, saison 2022
Orchestre de l’Opéra de Lyon
Direction musicale Christopher Franklin
Soprano Marina Monzó
Ténor Juan Diego Florez
Airs de Gioachino Rossini, Gaetano Donizetti, Charles Gounod,
Ruggero Leoncavallo, Giacomo Puccini
Aix-en-Provence le 17 avril 2022
Concert de charme au Grand Théâtre de Provence avec un duo de chanteurs charismatique accompagné par l’Orchestre de l’Opéra de Lyon dirigé par Christopher Franklin. Nous nous attendions à passer un moment délicieux et nous devons avouer que le plaisir est allé bien au-delà de nos espérances. Tempo modéré et atmosphère misterioso sur un solo de basson pour l’ouverture de La Cenerentola. Christopher Franklin dirige avec élégance et légèreté tout en faisant ressortir les instruments solistes de la petite harmonie. Sonorités homogènes, respirations, ensemble des archets pour un moment musical enlevé et pétillant de malice. Juan Diego Florez, alerte et élégant aussi commence son air ” Principe più non sei… si, ritrovarla lo giuro ” et nous sommes sous le charme de ce chant délicat, à l’aise jusque dans ses affirmations. La voix est claire, les aigus projetés restent mélodieux ainsi que les vocalises sensibles chantées dans une justesse parfaite. La jeune soprano espagnole Marina Monzó partage avec lui ce programme et lui succède pour un air du Signor Bruschino ” Ah, donate il caro sposo ” du même Rossini. Jolie, élégante dans sa robe longue elle a le physique de sa voix qui est fort belle. Grande délicatesse pour cet extrait dans un medium coloré et dans une voix suave au vibrato musical, accompagnée par un très beau solo de cor anglais, comme un échange à deux voix, avec des prises de notes délicates et des aigus affirmés. Notes piquées dans un tempo vif sur quelques notes de hautbois en bariolage, superbe aigu tenu dans une agilité de voix sans forcer. Bel canto encore avec Linda di Chamounix de Gaetano Donizetti. Juan Diego Florez revient, souriant, et chante ” Linda si ritiro… Se tanto in ira agli uomini ” dans une diction projetée. La belle technique du ténor péruvien s’efface devant la musicalité et les sentiments qui transparaissent dans les inflexions de sa voix. Délicatesse, tristesse sur les sons subtils des violons. Mais quel beau phrasé aussi dans cette voix adoucie au style expressif qui appelle les bravos. En réponse et dans un parlando musical, Marina Monzó, toujours avec élégance et douceur, entame avec justesse ” O luce di guest’anima ” dans une montée en vocalises chantée avec musicalité ; rondeur de son pour un aigu tenu. Quel beau duo que ” Linda ! Linda “où le ténor rejoint la soprano pour un échange sensible dans un tempo allant. Deux voix, deux timbres qui s’accordent dans une même esthétique musicale. Voix claire du ténor investi dans un chant vainqueur mais duo de phrases sensibles qui s’achève dans un aigu unisono superbe. Après l’entracte, le bel canto laisse la place au romantisme de Charles Gounod pour un Roméo et Juliette abordé avec fougue par Juan Diego Florez. ” Ah, lève-toi soleil “, chant sentimental interprété ici dans un style tout à fait français et un vibrato sensible qui fait résonner ” L’Amour, l’amour “. Après quelques notes piquées, la clarinette laisse le ténor appeler le soleil dans un ” Ah, lève-toi ” éclatant en passionné. Respirations du hautbois qui anime la reprise et accompagne le ténor pour un superbe aigu. Un très beau chant qui entraîne la soprano dans un “Je veux vivre ” au tempo vif, enlevé et rythmé pour une interprétation de charme. Jolies vocalises, rallentando musical et superbe contre ut tenu après une vertigineuse montée en vocalises. Duo ” Je t’ai pardonné… Nuit d’hyménée ” d’un grand romantisme avec ces jolies phrases à l’orchestre pour une modulation en majeur. Deux voix d’une grande justesse nous parlent de l’alouette pour un grand moment de sensibilité. Les deux chanteurs se connaissent bien et ont l’habitude de chanter ensemble, cela se sent dans ces duos pleins de tendresse ; la délicatesse du soprano de Marina Monzo et le timbre chaleureux du ténor s’accordent dans ce duo passionné qui reste sans doute un des sommets du romantisme. Une interprétation où beauté des voix rythme avec style ! Un Intermezzo qui va mettre l’orchestre à l’honneur: celui de I Pagliacci de Ruggero Leoncavallo qui fait resonner le quatuor aussi bien que l’harmonie dans des phrases lyriques soutenues par un chef qui laisse sonner son orchestre. Duo de charme encore pour La Bohème de Giacomo Puccini. ” Che gelida manina “, style impeccable du ténor qui est un Rodolfo de toute beauté, et l’on regrette de n’écouter que deux extraits. Medium sonore et graves timbrés donnent relief et crédibilité à cette interprétation superbe jusqu’à la dernière note tenue dans un long diminuendo. Sensibilité à fleur de lèvres, musicalité, phrasé pour chacun des extraits que nous écoutons avec délectation. Ainsi pour le duo ” O soave fanciulla ” chanté dans un style d’une grande pureté et une même respiration. Le vibrato expressif de Juan Diego Florez fait ressortir la lumière joyeuse contenue dans la voix de Marina Monzo. Superbe aigu tenu alors qu’ils sortent de scène sous les applaudissements. Généreux dans sa voix, le ténor péruvien l’est aussi avec le public ; revenant sur scène avec sa guitare, il va interpréter pour notre plus grand plaisir trois chansons aux accents hispaniques cubain, mexicain… ” El dia que me quieras ” tango de Carlos Gardel, ” Cucurrucucu paloma ” de Tomas Mendez et ” Guatanamera ” de José Fernadez Diaz, presque un hymne national cubain, dans une voix inondée de soleil. Plus tendre et très musical ” O mio babbino caro ” du ” Gianni Schicchi “ de Puccini interprété par la voix suave et timbrée de la soprano dans une sensibilité à fleur de peau. Très beau ! Mais étonnant Juan Diego Florez qui revient pour un final en feu d’artifice avec ” Nessun dorma ” du Turandot de Puccini. Des graves qui résonnent et un aigu timbré et généreux qui sonne avec ampleur pour un Vincero superbe. Nous sortons de ce concert avec la sensation d’avoir vécu un moment musical particulier avec deux artistes d’exception pour des moments de musique en suspension. Emotion, beauté, délicatesse sur les notes d’un orchestre magnifique conduit par un chef élégant qui a su faire ressortir la musicalité dans chacune des phrases. Beauté pure pour une très, très longue ovation. Crédit photo -Festival de Pâques 22, Caroline Doutre