Basilique du Sacré-Cœur, Marseille, saison 2022
Le Chœur de l’Opéra de Marseille
Chef du Chœur et pianiste Emmanuel Trenque
Soprano Emilie Bernou
Camille Saint-Saëns: Samson et Dalila – “Dieu d’Israël écoute ma prière”; Giuseppe Verdi: Aïda – “Possente Fthà”, La Forza del Destino “La Vergina degli Angeli”; Francis Poulenc: Dialogues de Carmélites “Qui Lazarum” – “Ave maria” – “Salve Regina”; Jules Massenet: Hérodiade “Schemah Israël” – “Marche Sainte” pour piano seul
Gaetano Donizetti :Maria Stuarda – “Deh, tu di un umile”;
Arrigo Boito: Mefistofele “Salve Regina”; Giacomo Puccini Suor Angelica “Ave Maria”; Charles Gounod: Polyeucte “Marche religieuse” – ” Christus” – “Père Céleste, soit béni”, Mireille “Ecoutez nos prières Saintes”; Wolfgang Amadeus Mozart: Die Zauberflöte “O Isis und Osiris”; Amilcare Ponchielli La Gioconda “Angele Dei, Gloria al Signor”, Lituani “Preghiamo”; Gioachino Rossini: Moïse et Pharaon “Des cieux où tu résides”
Marseille, le 27 janvier 2022
En cette soirée du 27 janvier la Basilique du Sacré-Coeur de Marseille ouvrait grand ses portes pour un concert, Choeur et orgue, programmation qui attire toujours un public très nombreux. Ce fut encore le cas ce soir. Des chants religieux, certes, mais choisis de façon originale parmi des compositeurs qui les avaient écrits pour des opéras. Et, s’il est vrai que ces prières interprétées par des voix lyriques au sein d’un opéra touchent toujours le public, ces mêmes prières chantées dans une grande église prennent une autre dimension et touchent l’auditeur jusqu’au fond de son âme. Besoin d’élévation, de religieux ? Ces concerts de Choeur ont toujours un grand succès. Nous avions ce soir le privilège d’écouter le Choeur de l’Opéra de Marseille préparé et dirigé par son chef Emmanuel Trenque. Un incident technique allait nous priver de l’orgue. Mais les décisions se prennent vite et un piano de concert allait être livré afin que nous n’ayons pas à subir une annulation. Cette petite déception sera vite l’oubliée au fil des mesures et des émotions éprouvées. Emmanuel Trenque chef d’orchestre et chef du Choeur, mais aussi pianiste émérite s’installe au piano d’où il dirigera les chanteurs du regard, d’une main, de la tête avec une précision qui démontrera tout au long du concert combien chef et chanteurs sont proches dans la compréhension et l’expression musicales. Pas de grands gestes pour les attaques, le pianiste n’en n’a pas les moyens, et pourtant tout est en place, les nuances se font à l’unisson, les rallentandi, les respirations, c’est un travail d’orfèvre auquel l’on ne pense pas à l’écoute, tant on est captivé par les vibrations harmoniques des voix. Si l’on s’imagine que l’opéra n’est que populaire, l’on a tort. Il n’est que de consulter le programme pour réaliser combien les prières, les chants religieux ont pu inspirer les compositeurs et, pour commencer la prière du peuple d’Israël dans un chant biblique du Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns chanté avec expressivité dans un tempo modéré. Si la bible a inspiré les compositeurs pour de grandes fresques musicales, l’antiquité a fait de même. Aïda, l’un des chefs d’oeuvre de Giuseppe Verdi, nous plonge dans l’Egypte des pharaons et cet air de la Grande Prêtresse (Possente Fthà) nous donne l’occasion d’apprécier la voix cristalline de la soprano Emilie Bernou dans de beaux phrasés au legato soutenu par les voix d’hommes et dans un piano religieux. Un enchaînement vers le ballet, joué au piano par un Emmanuel Trenque inspiré, nous entraîne dans une musique imagée aux rythmes changeants et sonores. Mais se trouve-t-il dans l’opéra musique plus religieuse, plus poignante que celle de Françis Poulenc avec Dialogues des Carmélites et ce “Salve Regina” où l’émotion est à son paroxysme avec le choeur des religieuses montant à l’échafaud ? Cette pièce prend toute sa dimension ici, dans l’église, avec ces voix de femmes d’une grande pureté et ce piano qui laisse tomber le couperet. Chair de poule assurée ! Dans “La Marche Sainte” de l’Hérodiade de Massenet, transcrite pour piano seul, le jeu expressif du pianiste au toucher délicat jusque dans les accords arpégés laisse aussi éclater des forte sonores. Massenet encore avec “Schemah Israël” (Hérodiade) où les oppositions de nuances des voix de femmes sottovoce en réponse aux voix forte des hommes montrent un ensemble parfait. Le “Deh, tu di un umile“(Maria Stuarda) de Gaetano Donizetti nous donne le plaisir d’apprécier encore la voix limpide de la jeune soliste qui passe sans forcer au-dessus du choeur dans une puissance agréable et toute musicale. Le “Salve Regina” (Mefistofele) d’Arrigo Boito est une autre page intense, grandiose aux nuances opposées, écrite pour des voix intimement liées qui résonnent dans un immense crescendo et se dissipent à travers les colonnes de l’église dans une longue tenue forte. On apprécie aussi l’ensemble des voix pures des femmes dans l’Ave Maria de Suor Angelica (Giacomo Puccini). Moins connu, le Polyeucte de Charles Gounod nous offre quelques belles pages qui mettent en valeur la musicalité du choeur ; murmure religieux, attaques fermes dans une projection puissante avec un bel ensemble où les voix d’hommes font résonner les harmoniques dans les graves. plus connu, plus folklorique par moments, son Mireille laisse la lumière provençale éclairer ces “Prières Saintes”, on entendrait presque le tambourin sous les doigts du pianiste rythmer une farandole qui s’éloigne. La voix céleste d’Emilie Bernou s’élève au-dessus des voix d’hommes dans “La Vergine de li Angeli” de La Forza del Destino de Giuseppe Verdi accompagnée par le piano. Mais choeur d’hommes pour des voix homogène aux belles résonances dans “O Isis und Osiris” (Die Zauberflöte) de l’unique Mozart de ce soir. Dans un style différent et en français Gioachino Rossini propose “Des cieux où tu résides” (Moïse et Pharaon) pour des phrases legato dans un bel ensemble harmonique où les voix de femmes montent et se perdent dans les voûtes de la basilique. Les accords puissants du piano contrastent avec les voix piano chantées religieusement comme une prière dans “Angele Dei, Gloria al Signor” d’Amilcar Ponchielli, une belle interprétation avec ces voix masculines dont les graves résonnent dans des attaques forte pour un ensemble parfait. La longue phrase du piano s’en va dans un long diminuendo… Toujours d’Amilcare Ponchielli le “Preghiamo” de Lituani qui termine ce programme sera repris en bis tant l’emploi des voix, dans des nuances puissantes et des couleurs aux résonances harmoniques, donne lieu à une élévation spirituelle. Tout est si bien chanté, tout est si bien rendu musicalement et dans une telle simplicité, que la religiosité qui ressort de chaque extrait fait de ce programme une seule pièce dédiée à la prière. Un immense bravo aux interprètes ainsi qu’à leur chef et pianiste Emmanuel Trenque.