Opéra de Marseille: Plamena Mangova en concert

Opéra de Marseille, saison 2020/2021
Orchestre Philharmonique de l’Opéra de Marseille
Direction musicale Mihhail Gerts
Piano Plamena Mangova
Edvard Grieg: Concerto en la mineur, op.16
Camille Saint-Saëns:  Symphonie No2 en la mineur, op.55 
Marseille, le 7 mai 2021
En cette soirée du 7 mai 2021, Maurice Xiberras, directeur général de l’Opéra de Marseille, avait décidé de maintenir ce concert, toujours sans public à cause de la pandémie, pour un enregistrement audio destiné aux archives de l’Opéra de Marseille. A cette occasion les portes de l’Opéra de Marseille s’ouvraient à quelques journalistes en vue de comptes rendus et nous profitons de chaque note, de chaque moment d’émotion en cette soirée de musique romantique. Edvard Grieg et Camille Saint-Saëns étaient au programme sous la baguette de Mihhail Gerts et les doigts déliés de la pianiste Plamena Mangova avec la complicité talentueuse de l’Orchestre Philharmonique de l’Opéra de Marseille. Concert en la mineur, avec le Concerto pour piano et orchestre de Grieg et la Symphonie No2 de Saint-Saëns, tous deux en la mineur. Edvard Grieg n’a que vingt-cinq ans lorsqu’en 1868 il compose ce concerto. Seul concerto achevé il est considéré comme une œuvre de jeunesse au romantisme déjà affirmé. Ses longues promenades dans la campagne norvégienne pensant à sa femme et aux joies de sa récente paternité l’inspirent. Son concerto, encore imprégné de la musique de Robert Schumann qu’il admire, obtient un vif succès dès sa création en 1869. Succès jamais démenti depuis. Force, phrases romantiques ou venues de la musique populaire, cette composition charme et transporte dès les premiers accords. La pianiste bulgare Plamena Mangova, qui fait résonner son piano dans les grandes salles du monde et sous la direction des plus grands chefs d’orchestre, fera ressortir sans exagération toutes les couleurs et les contrastes contenus dans cette œuvre emblématique de la littérature pianistique. Mihhail Gerts, dans une sorte d’introduction énergique, laisse le piano s’exprimer avec force et détermination. Le tempo allant du premier mouvement nous donne à entendre un joli phrasé sous les doigts déliés de la pianiste qui nous propose un piano romantique accompagné par le chant des violoncelles. Avec délicatesse ou plus de force, le joli toucher de Plamena Mangova laisse résonner le piano dont les sons, jamais saturés, arrivent à se fondre avec les sonorités moelleuses de la flûte ou du cor solo soutenues par les archets du quatuor. Un quatuor à l’aise sous la baguette d’un chef à la battue franche dans les forte, mais aux gestes toujours élégants. Grande maîtrise du piano et de la musicalité dans une cadence assez libre mais au romantisme à fleur de doigts. C’est dans un tempo sans trop de lenteur que Mihhail Gerts aborde l’Adagio, exposé par les grandes longueurs d’archets du quatuor, pour une nostalgie assumée qui déroule un tapis sonore et délicat à l’entrée du piano sous les doigts d’une pianiste qui sait faire attendre les notes comme pour une mélodie suspendue. Orchestre mystérieux qui s’affirme et soutient la soliste dans un discours romantique aux respirations délicates. Plus vif et marqué, cet Allegro moderato e marcato. Un piano qui hésite entre force et délicatesse mais toujours dans de belles sonorités aux notes perlées. Doigts agiles, sauts d’intervalles, mais phrases suspendues pour un solo de flûte qui introduit un piano romantique. Le chef d’orchestre laisse jouer soliste et orchestre tout en donnant le souffle, les respirations, aussi bien que les attaques précises, mais qui aborde avec nuance un diminuendo tout en délicatesse. La pianiste joue avec bonheur la carte du romantisme ; aucune rudesse jusque dans les fortissimi et les changements de style sans rupture. Accelerando, crescendi des cuivres majestueux aux sons larges qui sonnent sans jamais couvrir le piano et ses accords assurés. Une interprétation qui fait la part belle à la musicalité de Plamena Mangova qui impose son style, soutenue par un orchestre à l’écoute du chef, précis, mais qui sait aussi laisser jouer soliste et musiciens sans trop imposer. Un immense moment de plaisir. La symphonie No2 de Camille Saint-Saëns nous transporte cette fois dans un romantisme français. Œuvre de jeunesse encore puisque le compositeur n’a que vingt-quatre ans lorsqu’il la compose. Enfant prodige et compositeur aux multiples facettes : organiste talentueux, chef d’orchestre et professeur, il composera 13 opéras entre autres, et toujours avec le même bonheur de composer. Cette symphonie en quatre mouvements, qui n’est d’ailleurs pas la deuxième qu’il ait composée, peut paraître un peu académique ; elle commence par un fugato et fait penser à une composition de concours avec un Saint-Saëns qui chercherait son style. Mais c’est une œuvre d’accès facile au romantisme assez sage et sans trop d’envolées. L’énergie des violons, longs d’archets, sous l’impulsion d’un chef dynamique laisse le violon solo s’exprimer comme dans un concerto en dialogue avec les solistes de la petite harmonie. Fugato donc, engagé avec détermination, qui cède la place à certaines phrases plus romantiques dans une unité de sonorités. Adagio sans lenteur pour ce deuxième mouvement délicat. Les gestes larges du chef d’orchestre donnent du souffle à la petite harmonie pour une sorte de musique de ballet aux accents mélancoliques. L’énergie du Scherzo, écrit sans reprise, et le rythme marqué des violoncelles ont chassé toute nostalgie. Mihhail Gerts sait, avec précision, faire ressortir les changements de styles avec un hautbois bucolique qui entraîne les cordes dans un tempo soutenu pour une musique très imagée aux accents d’un menuet dansant. Vif, léger ; une entrée en petit détaché pour ce Prestissimo qui fait voler les notes sous une baguette précise. Contraste entre l’éclat des trompettes et le côté sombre des contrebasses. Mélodie joyeuse qui passe d’un pupitre à un autre avec fluidité dans un enchevêtrement de phrases musicales. Triple piano sur la pointe des archets pour les solistes du quatuor dans une mélancolie sans tristesse, mais joie, brillance, vélocité des doigts et des archets pour un final éclatant. Un concert qui fait plaisir, qui rend joyeux ou romantique, que l’on apprécie d’autant plus qu’on en est privé et qui nous fait ressentir à quel point la musique est essentielle. Un grand bravo à tous ces artistes qui continuent à travailler, l’art chevillé au cœur.