Le Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, saison 2021
Orchestre National de France
Direction musicale Christian Macelaru
Violon Nicolaj Szeps-Znaider
Antonin Dvorak: Symphonie No 5 en fa majeur, op. 76 B54 “Britannique”; Johannes Brahms: Concerto pour violon en ré majeur, op. 77
Aix-en-Provence, le 9 avril 2021
Moment privilégié encore pour quelques journalistes qui pourront écouter dans la salle du Grand Théâtre de Provence, vide de tout public pour les raisons sanitaires que l’on connaît, le concert donné par l’Orchestre National de France dirigé par Christian Macelaru, son directeur musical depuis septembre 2020, après la démission surprise d’Emmanuel Krivine. Au programme : la Symphonie No 5 d’Antonin Dvorak et le Concerto de Johannes Brahms pour violon et orchestre. Cette symphonie, injustement oubliée des programmes symphoniques est pourtant source de grands plaisirs. Christian Macelaru, violoniste de formation, prend à bras le corps cette fabuleuse phalange. Il insuffle une incroyable énergie au quatuor. Archets disciplinés qui produisent avec netteté des sons homogènes et attaques qui laissent filer les archets pour des sons qui portent au loin et vibrent sans faiblir. Un quatuor qui réagit vite, avec souplesse à chaque demande du chef dans de tendres pianissimi ou des fortissimi gigantesques. Mais un orchestre symphonique ne se réduit pas au seul quatuor si bon soit-il. La petite harmonie se fait ici remarquer par un engagement de chaque instrumentiste avec des sons qui s’enchaînent et se fondent. Tout en gardant sa sonorité propre, chaque instrument entre dans la sonorité de l’autre donnant ainsi une unité de son qui fait par moment un tapis sonores au cuivres éblouissants. Et dans cette symphonie ils ont la part belle. Trombones éclatants mais contrôlés, trompettes héroïques, cors qui unifient tous ces sons dans le moelleux de leurs sonorités. Mais tous savent s’assagir pour ne jamais écraser le quatuor dans les phrases musicales ou des notes qui déferlent dans un tempo allant. Longues phrases romantiques dans cet Andante où l’on retrouve les couleurs slaves données par les divers instruments : sensibilité des violons, lyrisme des celli et lumière de la petite harmonie. Le Scherzo modéré et dansant nous convie à une fête villageoise avec le détaché joyeux de la petite harmonie dans un tempo soutenu. Energie, force impressionnante et dramatique pour ce finale allegro molto. Puissance aussi des trombones sur qui repose tout cet édifice de couleurs et de nuances. Hautbois et clarinettes changent les couleurs, les timbales coiffant cet édifice. Chef d’une grande efficacité pour des oppositions de nuances rapides mais toujours dans une belle continuation de ligne musicale. Un finale où tous s’unissent pour une synergie éclatante. Extraordinaire moment ! Avec le concerto pour violon de Brahms viendra la déception. L’orchestre joue l’introduction sous les impulsions d’un chef qui n’a pas quitté la baguette de Dvorak. Après de jolis piani les attaques sonnent dures et ne vont pas chercher le son au fond des temps. Nicolaj Szeps-Znaider se coule dans cette interprétation tout en essayant de se faire entendre dans cette masse orchestrale par des accords puissants mais durs. Quelques belles notes pourtant laissant présager de bons moments avec un archet à l’aise et un joli vibrato, mais moments gâchés par un orchestre trop fort et des jetato au talon écrasés, durs. Une cadence sans charme avec peu d’unité d’interprétation. Une technique pourtant, qui se fait remarquer, mais le violoniste semble se battre dans les passages forte contre son violon, contre l’orchestre avec des accents intempestifs. Dans le deuxième mouvement, la superbe phrase du hautbois d’Armel Descotte nous réconcilie avec le concerto, seul moment de musique où nous retrouvons le charme un peu nostalgique de l’écriture brahmsienne avec des notes suspendues avant d’arriver au fond du temps. Le soliste reprend cette sonorité pour répondre au hautbois dans un duo apaisé. L’on apprécie la chaleur de la corde grave avec quelques intensions musicales alors que l’orchestre se fait moins présent. Vibrato intense dans l’aigu, reprises de l’archet à la corde pour une belle tenue sonore de note. Le chef d’orchestre qui pense toujours diriger la symphonie de Dvorak revient trop fort dans ce final obligeant le violoniste à saturer les sons. Vélocité de main gauche et un peu plus de musique dans un archet maîtrisé qui laisse sonner agréablement les notes. Nicolaj Szeps-Znaider s’est battu avec l’orchestre, avec son violon, qui a gagné ? Nous n’en savons rien mais nous pouvons dire que la musique a beaucoup perdu. Il faudra attendre le bis et cette Cantate de Bach arrangée par Anders Hillborg pour que Nicolaj Szeps-Znaider laisse enfin exprimer sa musicalité dans un choral quasi religieux et nous propose des sons éthérés joués dans un legato sensible. Beau vibrato, souffle dans l’archet, son soutenu, note piano sur un crin sans vibrer. Un moment de musique en suspension.