Grand Théâtre d’Aix-en-Provence, Aix-en-Provence, saison 2021
Violon Jean-Jacques Kantorow
Piano François-Frédéric Guy
Johannes Brahms: Sonate pour violon et piano No1 en sol majeur, opus 78; Sonate pour violon et piano No2 en la majeur, opus 100,
Sonate pour violon et piano No3 en ré mineur, opus 108
Aix-en-Provence, le 29 mars 2021 en streaming
Après le changement de programme du concert du 27 mars, pour raison sanitaire, où l’Orchestre du Luxembourg devait accompagner le pianiste Alexandre Kantorow, un autre changement allait survenir dans le concert de ce soir. Jean-Jacques Kantorow jouerait comme prévu, mais le père sans le fils. François Frédéric Guy serait donc au piano. Violoniste soliste, chambriste, chef d’orchestre, Jean-Jacques Kantorow, aussi connu pour avoir fondé l’Orchestre d’Auvergne, allait avec François-Frédéric Guy, grand Beethovénien, mais pas que, former un duo violon/piano de haut vol et de grande musicalité. Remplacement au pied levé ? Cela ne transparaît pas tant la communion entre les deux artistes dans cette musique de Brahms semble venir d’une longue complicité. D’entrée de jeu, sur le son en demi-teinte du violoniste et le toucher délicat du pianiste, l’on ressent la connivence et la musicalité qui les relient. L’archet à l’aise et largement déployé dans un tempo allant, Jean-Jacques Kantorow nous entraîne dans un romantisme maîtrisé ; avec un jeu classique et toujours élégant, c’est par un vibrato plus intense et des accents dans la longueur d’archet qu’il anime la sonate No1 dont le premier mouvement est un Vivace, ma non troppo. François Frédéric Guy l’accompagne, se glisse dans ce jeu intimiste puis prend la parole ; phrase qui revient en réminiscence pour un legato musical ou passage plus rythmé sur un bariolage d’archet du violon qui cette fois l’accompagne. L‘Adagio est introduit par un piano sonore et, avec les doigts dans le profond des touches, le pianiste amène le son feutré du violon dans une osmose toute musicale. Les deux artistes mêlent leurs sonorités pour n’en faire qu’une. Le souffle donné par l’archet et les respirations du pianiste font ressentir avec justesse toute l’intériorité contenue dans la musique de Brahms ; les accents plus forte même, sont obtenus par la seule pression de la main sur l’archet. L’Allegro molto moderato est abordé dans un tempo plus vif. Délicatesse et virilité sont les caractéristiques de ce compositeur qui nous livre ici une sonate romantique tout en sensibilité. Beaucoup d’intentions musicales avec la vélocité délicate des doigts du pianiste, et la netteté des notes, qui entraîne le violoniste dans ce tempo animé dont les accents donnés par la vitesse d’archet enlève toute dureté. Duo à une voix, la voix de la musicalité. Dans la sonate No2, la force est donnée au violon qui devient plus aimable dans cet Allegro qui, comme indiqué, se joue amabilé avec une pureté de son venant d’un archet toujours maîtrisé. Le jeu clair du pianiste sait se faire plus présent dans un thème qui revient, une virilité toute brahmsienne en quelques coups d’archet et une énergie partagée. Dialogue tranquille pour cet Andante qui s’anime dans un vivace joyeux puis qui s’apaise dans de belles phrases pour revenir de façon plus vive sous les doigts agités du pianiste. Grande phrase lyrique dans une demi-teinte du violon qui laisse la parole au pianiste dans cet Allegretto grazioso. Discours animé entre les deux artistes où la tendresse vient atténuer une trop grande force, mais grande connivence dans cette écriture maîtrisée qui mêle sentiments et force contenue. Une sonate colorée dont les touches de couleurs sont données par le jeu imagé des deux solistes. Dédiée au chef d’orchestre Hans
von Bülow et créée en 1888 avec Johannes Brahms au piano, cette sonate No3 fait la part belle au piano. Ecrite dans un mode mineur, elle comporte 4 mouvements. L‘Allegro du début est joué dans un tempo allant avec élégance et souplesse d’archet. Avec un son moelleux et des doigts qui semblent effleurer les touches, le pianiste expose sa phrase. Les couleurs sont diverses, bariolage d’archet dans un pianissimo partagé mais force et énergie dans un dialogue animé. Les changements d’atmosphères se font dans une entente parfaite avec des respirations qui laissent écouter les démanchers assurés et les notes tenues jouées sur un crin de l’archet. Longue phrase soutenue au violon dans cet Adagio quasi religieux dans un vibrato égal et intense soutenu par un piano aux notes arpégées. Sonore et moelleux le son de la corde grave qui porte au loin…Violon et piano se partagent la mélodie pour ce Poco presto spirituel. Legato, notes piquées ou en rythmes syncopés, le bavardage du piano épouse l’expressivité sentimentale du violon. Force et virilité avec ce Presto agitato pour deux instruments qui semblent vouloir tous deux, mais avec élégance, imposer leur discours. Dans un final enlevé le jettato au talon de l’archet du violoniste s’oppose aux forte du pianiste dans des sons qui ne saturent jamais mais laissent au contraire les vibrations résonner. Un concert un peu hors du temps, comme donné à écouter dans un salon de musique dans des sonorités moelleuses. Elégance, musicalité et complicité sont les maîtres mots de ce moment musical. Brahms et la simplicité de style, un véritable régal !