Odessa, Opéra national, saison 2019/2020
LA TRAVIATA
Mélodrame en trois actes, livret de Francesco Maria Piave, d’après le drame La dame aux camélia d’Alexandre Dumas Fils.
Musique de Giuseppe Verdi
Violetta Valéry ANASTASIA GOLUB
Flora Bervoix ANASTASIA MARTYNIUK
Annina HANNA BONDARENKO
Alfredo Germont OLEG ZLAKOMAN
Giorgio Germont ROMAN STRAKHOV
Gastone vicomte de Letorières PAVLO SMYRNOV
Barone Douphol VASYL NAVROTSKYI
Marchese d’Obigny VASYL DOBROVOLSKYI
Dottore Grenvil VIKTOR SHEVCHENKO
Commissioner IVAN FLIAK
Giuseppe MYKOLA RESHETNOV
Ballet : KRISTIAN NIKULYTSIA, YULIAN MARCHENKO, NIKITA PUTRIN, DANYLO PASHCHUK, ROMAN LOBKIN
Orchestre et Choeur de l’Opéra national d’Odessa
Direction musicale Vyacheslav Chernukho-Volich
Chef du Choeur Valery Rehrut
mise en scène Eugène Lavrenchuk
Décors &costumes Yefim Ruakh
Lumières Natalia Gara
Odessa, le 9 novembre 2019
C’est sous les dorures du superbe opéra d’Odessa, de 1636 places toutes occupées, que nous allions écouter La Traviata, l’opéra de Giuseppe Verdi, donné en ouverture de saison, avec un cast pratiquement ukrainien composé de jeunes chanteurs. Une mise en scène somme toute classique, voulue sans transposition par Eugène Lavrenchuk. Un peu kitsch peut-être, et rendue sans trop d’imagination. Des idées, certes, mais pas toujours du meilleur effet. Que dire du dernier acte où dans les grands voiles noirs qui descendent des cintres des niches s’ouvrent, se ferment, laissant apparaître les chanteurs en hauteur puis disparaitre une fois leurs phrases chantées. Alfredo même, ne s’approchera jamais de Violetta qui mourra seule, sur une estrade revêtue d’un voile noir représentant un lit. C’est le même tableau qui se présente dès l’ouverture du rideau alors que se joue le prélude. Violetta est là, écoutant cette musique, jouée sur un gramophone en réminiscence. son grésillant d’un disque usé car trop souvent écouté ; puis la fête bat son plein, des chaises, rien d’exceptionnel, et toujours des voilages mouvant. Quelques effets de lumières qui en devenant plus blanches changent l’aspect de la pièce mais n’apportent rien d’intéressant. Le metteur en scène semble avoir rassemblé là tout ce qui se trouvait dans un magasin pour accessoires. Un arbre stylisé pour la maison de campagne, une statue dans le jardin ou de grandes colonnes dans la salle de bal de Flora. La danse des hommes aux cornes de taureaux donne vie au choeur des matadors. Quelques arlequins sortis du carnaval à l’acte III animent la scène où Violetta est seule, malade. Rien de scandaleux sans doute, mais une direction d’acteurs sommaire qui n’est pas faite pour aider les chanteurs. Les décors et les costumes revenaient à Yefim Ruakh. Des costumes qui se voudraient d’époque sans vraiment définir laquelle. Tons pastel où le gris et le bleu dominent. Alfredo et Violetta sont en blanc. La même robe vaporeuse vêtira Violetta tout au long des actes. Pas de décors vraiment mais des voilages qui volent au vent dans un épouvantable bruit de soufflerie. Mais à quoi songent les metteurs en scène ? Les lumières signées Natalia Gara, bleuté, sont à l’unisson avec les costumes, ou plus sombres au moment de la mort de Violetta. Tout est édulcoré, les sentiments aussi. Les chanteurs malgré leur abandon scénique s’en sortent bien. Les voix sont jeunes, comme les artistes, et l’on peut s’en réjouir. Passée la tension du premier acte, un soir de première, les voix se détendent et se projettent avec plus de souplesse. Anastasia Golub a le physique et la voix de Violetta. Le timbre est agréable et si son “Sempre libera” semble un peu tendu, elle est très à l’aise dès l’acte II. La voix s’assouplit, devient suave avec des aigus moelleux. Sensible dans son duo avec Giorgio Germont, elle laisse affleurer ses émotions dans un joli phrasé soutenu par la clarinette. Seule et malade, elle réussit à émouvoir malgré une vidéo dérangeante qui laisse défiler certains moments de sa vie passée. C’est une jolie prestation alors qu’elle meurt seule, dans une mise en scène qui ne l’a jamais aidée. Nous aimerions entendre le soprano agréable au phrasé délicat d’Anastasia Golub dans d’autres conditions pour en goûter toute la musicalité. Oleg Zlakomann sera un Alfredo lui aussi au mieux de sa forme à partir du deuxième acte où sa voix se libère et prend plus de puissance dans un timbre clair. Vaillant, à l’aise, ses aigus sont percutants. Sa voix trouve une homogénéité jusque dans le volume qu’il réussit à rendre dramatique avec une certaine présence. Si ses apparitions, loin de Violetta, ne lui permettent pas de transcrire toute l’émotion contenue dans la musique, on apprécie le timbre de sa voix, la vaillance et la solidité de son chant qui ressortent dans son interprétation. Giorgio Germont parait un peu jeune, mais le baryton bien timbré de Roman Strakhov nous donne les couleurs et la puissance du rôle. Voix solide au phrasé expressif dans un tempo allant. Avec un médium sonore et de beaux aigus tenus le baryton fait montre de caractère dans des attaques sûres, ou de sensibilité dans des nuances bien amenées. Un joli duo émouvant chanté avec Violetta qui fait ressortir une ligne de chant très musicale. Bien que dans des rôles plus courts, on remarque avec plaisir Pavlo Smyrnov un Gastone à la voix de ténor percutante et au jeu vif, Vasyl Navrotsky un Barone Douphol bien dans sa voix, bien dans son jeu et Anastasia Martiniuk qui nous donne une Flora fantaisiste dans une voix sonore et bien placée. L’unité vocale du plateau vient aussi de la belle tenue des comprimari ; Vasyl Dobrovolsky (Marchese d’Obigny), Hanna Bondarenko (Annina),Viktor Shevchenko (Dottore Grenvil), Ivan Fliak (Commissioner), Mykola Reshetnov (Giuseppe). Le Choeur de l’Opéra d’Odessa, bien préparé par Valery Rehrut, dans un grand investissement scénique et vocal, sera très applaudi pour l’homogénéité des voix, la précision des attaques et sa flexibilité vocale. L’Orchestre de l’Opéra d’Odessa était placé sous la baguette de Vyacheslav Chernuko qui a su diriger son orchestre dans de belles nuances pour un très joli prélude joué piano qui laissait ressortir les sonorités moelleuses des cordes. Prenant des tempi plutôt allant il a donné beaucoup de relief à son interprétation. Une soirée très agréable pour cette première en ouverture de saison où la musique et les voix étaient à l’honneur. Une soirée très applaudie.