Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, saison 2019
Camerata Salzburg
Direction musicale Alondra de la Parra
Soprano Olga Peretyatko
Cor Felix Klieser
Wolfgang Amadeus Mozart : Symphonie No20 en ré majeur, KV 133
Idomeneo, re di Creta, “Placido è il mar“, Lucio Silla, “Fuor di queste urne dolenti” Idomeneo, re di Creta, “Godiam la pace” Don Giovanni, “Crudele! – Ah no, mio bene! ” – “Non mi dir, bell’idol moi”
Concerto pour cor et orchestre en mi bémol majeur, KV 447
“Mitridate, re di Ponto”, Air de Sifare, “Lungi da te, mio bene” Soprano et cor
Symphonie No 34 en ut majeur, KV 338
Aix-en-Provence, le 20 avril 2019
Le Grand Théâtre d’Aix-en-Provence recevait, en cette soirée du 20 avril, la Camerata Salzburg pour un concert très attendu. Concert uniquement Mozart, qui proposait en solistes la soprano Olga Peretyatko et le corniste Felix Klieser ; une musique qui fait toujours recette, que ce soit en concert ou en opéra. Salzburg est-il mis en parallèle avec Aix-en-Provence ? C’est ici chose faite avec la Mozartwoche et le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. Concert prometteur donc avec la Camerata Salzburg qui était ce soir dirigée par la chef d’orchestre mexicaine Alondra de la Parra que nous allions découvrir. Première déception, les sonorités de l’orchestre comme jouées en sourdine avec des attaques plus ou moins franches. La symphonie No20, donnée en ouverture de concert, bien qu’étant une oeuvre de jeunesse, manquait de brillant. Les musiciens pourtant ne rataient aucune occasion de démontrer leur talent. Les solos remarquables de la flûte ou du hautbois, le velouté des cors, le piqué des trompettes baroques ou les sonorités moelleuses des basses ainsi que les archets des cordes, déployés sur toute leur longueur se remarquaient. Alors, pourquoi ce manque de relief et de caractère ? Au pupitre, Alondra de la Parra dirigeait sans grande originalité avec des gestes précis mais secs et répétitifs. L’interprétation n’était pas celle que nous attendions et sans doute n’était-elle pas non plus celle qu’attendaient les musiciens. Peu-être ces derniers, habitués à jouer sans chef, étaient-il gênés par une direction qu’ils ne connaissaient pas vraiment ? Le public s’interrogeait, un peu désappointé. Mais autre déception encore avec la soprano Olga Peretytko qui se produit maintenant sur les plus grandes scènes lyriques et qui venait d’obtenir un immense succès dans l’opéra de Gaetano Donizetti “Anna Bolena” (rôle titre). Le timbre de sa voix est agréable mais les aigus semblent un peu stridents dans “Placido è il mar” (Idomeneo re di Creta), ils deviendront moins tranchants pour “Fuor di queste urne dolenti” – “O del padre ombra diletta” (Lucio Silla), dans un meilleur soutien du souffle. Sans doute l’orchestre plus affirmé et la présence sonore du Choeur de l’Orchestre de Paris donnent-ils plus de relief à cette pièce. C’est sans doute dans “Crudele! – Ah no, mio bene!” – “Non mi dir, bell’idol moi” que l’on apprécie mieux la couleur de la voix d’Olga Peretyatko, qu’elle chante dans le médium ou qu’elle vocalise. Mais, le style reste son point le plus faible ; style jamais insufflé par la baguette d’Alondra de la Parra dont la direction paraît comme extérieure à l’orchestre. La deuxième partie du concert allait nous réconcilier avec la Camerata Salzburg qui paraissait se dynamiser avec la présence du jeune corniste Felix Klieser. Est-il besoin de revenir sur la volonté d’un jeune garçon qui décide, à l’âge de quatre ans, d’apprendre à jouer du cor alors qu’il est né sans bras ? Aucun obstacle ne semble résister à cette volonté. Felix Klieser ne veut surtout pas être considéré comme un phénomène qui joue du cor avec son pied gauche, mais comme un musicien qui qui vit sa passion. Et même si nous recevons de plein fouet cette leçon de courage et de vie, c’est ainsi que nous le percevrons. Galvanisé par ce jeune artiste, l’orchestre prend une autre dimension. Les sonorités s’intensifient et les rythmes sont plus marqués. A l’écoute du soliste, l’orchestre prend son tempo, plus allant, plus vif, avec des nuances plus contrastées. Sur ce soutien rythmique et sonore, Felix Klieser pose les sons, détache les notes avec rapidité, soutien le souffle dans un legato tout mozartien et lance ses aigus dans une grande pureté de son pour une cadence qui fait rythmer style et respirations. Le son rond, moelleux du cor dialogue avec l’orchestre dans le deuxième mouvement pour des phrases plus affirmées jouées avec une certaine force. Malgré la rapidité du troisième mouvement, la musicalité du corniste ressort alors qu’il reprend son son dialogue pour une réexposition dans de jolis phrasés. Superbe interprétation, superbe leçon de musique qui touche au plus profond du coeur tant la musique de Mozart jouée avec talent a su sonner avec joie et tendresse. La passion du jeune corniste est communicative. L’orchestre semble galvanisé, mais aussi Olga Peretyatko qui partage avec lui les phrases de “l’Air de Sifare” (Mithridate, re di Ponto). Portée par les tenues sonores du cor ou ses ornementations, la soprano développe un médium homogène et plus sensible mêlant sa voix dans un même phrasé pour un duo équilibré. Joli moment de musique toute mozartienne. Agréable moment aussi que le “Godiam la pace” (Idomeneo re di Creta) chanté avec caractère et énergie par le Choeur de l’Orchestre de Paris. Pour la Symphonie No34, la dernière que Mozart composera à Salzburg, l’orchestre gardera cette énergie insufflée par le corniste. Les cordes sonnent avec homogénéité rythmées par les timbales aux sons un peu feutrés qui donnent de la présence. Si le deuxième mouvement fait la part belle aux cordes avec des violons aux sons purs, le tempo un peu lent attendra le troisième mouvement pour un réveil aux sons déterminés des timbales. Petit détaché des violons aux accents bien venus, hautbois dynamique, harmonie précise aux sons liés sur les sonorités graves du quatuor qui assied ses basses. Cette symphonie en trois mouvements déchaîne un public qui s’était un peu assoupi en première partie. Le troisième mouvement repris en bis le conquiert tout à fait. Mais c’est à Felix que vont tous nos bravi car en plus de sa musicalité qui rayonnait dans le concerto de Mozart, il a su dynamiser chanteurs et orchestre. Photo Caroline Doutre