Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence, saison 2019
Orchestre de l’Opéra de Lyon
Direction musicale Geoffrey Styles
Violon Renaud Capuçon
Extraits de musiques de films de Nicola Piovani; Maurice Jarre; Nino Rota; Ennio Morricone; Andrea Morricone & Ennio Morricone; Erich Wolfgang Korngold; Johnny Mercer & Henry Mancini; Vladimir Cosma; Alexandre Desplat; Michel Legrand; Jean-Pascal Beintus; John Williams; Georges Delerue; James Horner; John Barry.
Aix-en-Provence, le 13 avril 2019
La septième édition du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence se présente sous les meilleurs auspices ; salle comble, et plus un seul fauteuil à la vente, pour une soirée d’ouverture un peu spéciale par sa programmation. La musique classique a l’étrange réputation d’être une musique sérieuse pourtant, rien n’est plus faux. Renaud Capuçon (violoniste sérieux) a longtemps pensé à ces musiques de films qui ont suscité des émotions de jeunesse avant de se lancer dans une programmation en vue d’un enregistrement. Chose faite avec succès puisque ce disque : Cinéma caracole en tête des ventes. Alors, en accord avec Dominique Bluzet, directeur exécutif du Festival de Pâques, décision est prise d’ouvrir cette édition du festival par un concert de musiques de films. Pas n’importe quelles musiques non plus, mais des musiques composées par des compositeurs prestigieux, de musique classique souvent, et même d’opéras ; on a en mémoire “La ville morte” (Die tote stad) d’Erich Wolfgang Korngold, ou plus récemment, “Marius et Fanny ” l’opéra comique de Vladimir Cosma, créé à Marseille en septembre 2007. Tous ces thèmes, très connus, orchestrés ici pour orchestre symphonique et violon solo sont sources d’émotions certaines. Renaud Capuçon, avec le talent et le professionnalisme qu’on lui reconnaît, ouvre les portes du Grand Théâtre de Provence à un très large public qui viendra sûrement l’écouter lorsqu’il interprétera le concerto pour violon et orchestre de Béla Bartok. Nous passons ici de la tendresse de la musque de Nicola Piovani “La vie est belle” au son pur du violon, à la musique de Maurice Jarre ” Le cercle des poètes disparus”. Nino Rota nous fait entrer dans la famille du “Parrain” avec des modulations harmonieuses. Ennio Morricone et sa “Mission”, nostalgie du cor et vibrato intense d’un violon en contre-chant sur un superbe solo de hautbois. Morricone père et fils pour ” Cinema Paradiso”, musique chère au coeur de Renaud Capuçon, qui joue la sensibilité sur les notes acidulées et perlées du célesta. La “Romance” de Robin des Bois n’est pas la musique la plus connue d’Erich Wolfgang Korngold, mais bucolique et hollywoodienne, elle mêle, le solo du violon, tendre et sentimental, à celui du violoncelle aux sonorités rondes. Harpe et violon aux accents de l’Amérique dans un chorus de cuivres pour un “Moon River” (Johnny Mercer & Henry Mancini) toujours apprécié. Vladimir Cosma et le puissant “Concerto de Berlin” (La septième cible) à l’orchestration fournie. Puissance du violon, intensité de son avec un archet à la corde. Musique aux rythmes inquiétants marqué par un tambour omniprésent, violence d’un archet jettato au talon. Un concerto ! Alexandre Desplat fait dialoguer violon et orchestre dans une élégance de jeu et une grande facilité d’archet sur un orchestre en marche avec le violon en ornementation. Délicat ! “Yentl” et Michel Legrand d’une grande force intérieure, comme une douleur qui a du mal à remonter, mais dans un style très beau. Tristesse, souffrance pour la musique de Jean-Pascal Beintus (Hippocrate aux enfers) ; violon en sanglots sur une orchestration fournie, mais nuance piano sur un crin de l’archet. Autre souffrance avec la musique de John Williams ( La liste de Schindler). Archet qui rend le son douloureux comme joué par un archet infini où la modulation en majeur fait naître l’espoir. Légèreté de l’archet, mais profondeur des sentiments. Georges Delerue emprunte à Bach son style dépouillé sur une belle longueur d’archet pour un film d’anthologie : Le Mépris, grand dialogue avec l’orchestre. “Un été 42” Michel Legrand 1971. Un violon en toute simplicité pour des réminiscences en réponse et une longue tenue sans vibrato. James Horner et ses “Légendes d’automne”. L’archet facile et libre de Renaud Capuçon nous fait découvrir de grands espaces. Mais quels plus grands espaces que ceux du Kenya ? Dans la musique imagée de John Barry (Out of Africa) tout est exprimé ; les sentiments amoureux, l’attente, l’espoir, le retour, la nostalgie. Pureté du son du violon, intensité du vibrato. Superbe film, superbe interprétation ! Mais ces musiques nostalgiques nous emmènent vers des notes de gaîté, avec un Vladimir Cosma plein d’humour pour “Un grand blond avec une chaussette noire”. Rythmes, changements rapides d’atmosphères, dialogues avec le violoniste qui prend du plaisir et s’amuse à jouer cette musique entraînante dans un archet qui sautille de bonne humeur dans d’agréables variations. Si le plaisir est immense et partagé, c’est aussi grâce à un Orchestre de l’Opéra de Lyon en grande forme qui s’adapte à chaque style et chaque situation faisant ressortir la qualité de chacun de ses instruments solistes dans une belle unité de son et une grande précision et très à l’écoute du maestro Geoffrey Styles. Ce chef d’orchestre polyvalent aussi à l’aise dans la fosse qu’en concert a su insuffler énergie, rythmes et souffle aussi bien à l’orchestre qu’au soliste. Devant un public enthousiaste qui n’a pas boudé son plaisir, les artistes nous offrent en bis “Joyeux Noël” musique de Philippe Rombi. Quatuor sombre, presque tragique pour de longues phrases et un violon langoureux avec toujours la même pureté de son. Pièce pour cordes seules avec harpe et violon solo. De la belle musique tout au long de ce concert qui a été une expérience réussie. Ouverture de festival plus populaire ? Mais très musicale en tous cas et de haute tenue.Photo Caroline Doutre