Thomas Leleu:“Stories mood…”; Tom Jobim: “Chega de Saudade”; Thomas Leleu – “Latin Suite” :”Rio Scenarium”, “Caroll’s song”, “Tuba latin project”; Kurt Weill: “Speak low”; Tom Jobim: “Triste”; Carlos Gardel: “Por una cabeza”; Kurt Weill:” Youkali”, “La complainte de Mackie”; Erik Satie: ” Je te veux”; Reynaldo Hahn: “A Chloris”; Johannes Brahms :”Wiegenlied” (Lullaby); Kurt Weill: “Berlin im licht”; Joseph Kosma: “Les feuilles mortes”; Michel Legrand: “Les Moulins de mon coeur”, “You must believe in spring”, “les Parapluies de Cherbourg”; Barbara / Georges Moustaki: “La Dame brune”; Thomas Leleu: “Halton road”, “Stories…”. Thomas Leleu (tuba), Kim Barbier (piano), Kai Strobel (vibraphone), Laurent Elbaz (Arrangements). 1 CD Ars Produktion
Le tubiste Thomas Leleu, Victoire de la Musique Classique 2012 dans la catégorie Révélation soliste instrumental, nous a depuis longtemps habitués à écouter son instrument : le tuba, très rarement joué en soliste, mais toujours présenté de façon originale et souvent inattendue. Possédant son instrument jusqu’au bout de ses pistons, il se permet de prendre les sonorités de l’accordéon dans Fables of Tuba, composé pour lui par Richard Galliano, de s’imaginer violoniste en jouant avec virtuosité La Czardas de Vittorio Monti, ou de danser tel Michael Jackson dans son show The Tuba’s Trip. Il nous présente ici en Avant-Première son disque ” Stories…” enregistré en studio à Berlin, et qui sortira en mars 2019 sous le label allemand Ars Produktion. Thomas Leleu aime la musique sous toutes ses formes ; il est accompagné ici par la pianiste Kim Barbier, de formation classique, et par par le percussionniste, plus polyvalent, Kai Strobel au vibraphone. Trio inattendu, original, mais qui fonctionne à merveille, jouant les contrastes de sonorités dans une même esthétique musicale. Le thème, ou plutôt l’idée de ce crossover ? Interpréter des musiques écrites pour la voix, par des compositeurs de cultures différentes avec Kurt Weill comme lien. Mais à bien y réfléchir, ces musiques qui vont du Brésilien Tom Jobim à l’argentin Carlos Gardel en passant par les compositeurs français Eric Satie, Reynaldo Hahn, Michel Legrand sans oublier Thomas Leleu ou le compositeur d’origine hongroise Joseph Kosma ont, avec Kurt Weill cet esprit de cabaret que l’on ne rencontrait pas seulement dans la ville de Berlin à une certaine époque, mais dans tous les lieux du monde où la musique était populaire. Ce florilège de chansons qui, à première vue, pourrait paraître disparates est, pour l’auditeur, une heure de plaisir dans une belle continuité de musique, sans cassure, sans coupure. Toutes ces musiques arrangées avec intelligence par Laurent Elbaz coulent et s’enchaînent avec fluidité. Aurait-on imaginé que le vibraphone s’accorderait avec le tuba ? Il lui donne de la légèreté dans des notes cristallines, et se fond parfois avec le piano pour étoffer les sons veloutés, joués piano au tuba. Les sons étranges, inquiétants même du tuba ouvrent cet Opus. Les chants, contre chants de Thomas Leleu laissent place aux rythmes de Bossa nova de Tom Jobim. Rio Scenarium nous offre un tuba en toute liberté acrobatique et musicale qui devient plus sensible dans un Caroll’s song composé par Thomas Leleu pour une amie brésilienne décédée, accompagné par un vibraphone aux notes perlées. Changement de genre, plus sentimental, pour un accompagnement de Kurt Weill chanté par le tuba qui enchaîne avec Tom Jobim dans un joli mélange de sonorités. Piano joué forte pour un tango de Carlos Gardel et la sensualité d’un tuba qui sait aussi danser. Kurt Weill nous ramène à Berlin dans un arrangement adapté où nostalgie et rythmes se mélangent pour laisser entendre le vibraphone mélodieux. Mais Eric Satie et la douceur de son ” Je te veux “ joué par un tuba qui remplace avec tendresse les voix féminines qui l’on précédé dans un style français sans fioritures, simple aussi, la mélodie “A Chloris “ de Reynaldo Hahn accompagnée par un piano qui semble jouer du Bach. Retour au classique avec cette berceuse de Johannes Brahms où le son velouté du tuba prend de la hauteur avec le son de boîte à musique du vibraphone. Toutes ces sonorités et ces styles différents nous mènent avec fluidité vers les musiques de Michel Legrand, après un “Berlin im licht” de Kurt Weill joué avec humour et vélocité, et des “Feuilles mortes” de Joseph Kosma qui s’envolent avec nostalgie. Cabaret parisien avec la “Dame brune” de Barbara que l’on aperçoit toute de noir vêtue et que l’on entend dans les inflexions de la voix de Thomas Leleu qui quitte alors un instant son tuba, ainsi que pour l’interprétation de sa composition “Halton Road“, et la page se referme sur “Stories…” Un disque que l’on se doit de posséder mais surtout d’écouter pour cette musicalité qui se détache de chaque note, de chaque phrase tant les trois instrumentistes ont su trouver le son juste, les respirations qui font la musique et l’essence de chaque composition avec la délicatesse d’interprétation qui va avec les voix. Si l’on est toujours agréablement surpris par les sons proposés par le tuba de Thomas Leleu, l’on est aussi séduit et charmé par ce trio qui devient un quatuor lorsque l’on songe aux arrangements de Laurent Elbaz. Une véritable pépite que l’on pourra écouter pour un concert de sortie du disque le 17 avril à Paris au Bal Blonnet.