Marseille, Opéra Municipal saison 2018/2019
“FAUST”
Opéra en 5 actes, livret de Jules Barbier et Michel Carré, d’après le drame fantastique Faust et Marguerite de Carré et Faust, eine Tragödie de Wolfgang von Goethe, dans la traduction de Gérard de Nerval.
Musique Charles Gounod
Marguerite NICOLE CAR
Marthe JEANNE-MARIE LEVY
Faust JEAN-FRANCOIS BORRAS
Vieux Faust JEAN-PIERRE FURLAN
Méphistophélès NICOLAS COURJAL
Valentin ETIENNE DUPUIS
Wagner PHILIPPE ERMELIER
Siebel KEVIN AMIEL
Les acrobates PETTERI SAVIKORPI, ARTHUR AMOUROUX RUDEAUT, ANTOINE DEHEPPE
Orchestre et Choeur de l’Opéra de Marseille
Direction musicale Lawrence Foster
Chef de Choeur Emmanuel Trenque
Mise en scène Nadine Duffaut
Décors Emmanuelle Favre
Costumes Gérard Audier
Lumières Philippe Grosperrin
Coproduction Opéra Grand Avignon / Opéra de Marseille / Opéra de Massy / Opéra Théâtre Metz Métropole / Opéra de Nice / Opéra de Reims
Coproduction Opéra Grand Avignon / Opéra de Marseille / Opéra de Massy / Opéra Théâtre Metz Métropole / Opéra de Nice / Opéra de Reims
Marseille, le 13 février 2019
Depuis 1999, le public marseillais attendait le retour de Faust sur la scène de son Opéra, jadis pourtant au répertoire. Vingt ans d’absence, c’est long. Aussi, le public était-il au rendez-vous. Bien plus sage que le public d’autrefois car, s’il n’a pas apprécié la mise en scène de Nadine Duffaut il n’en a rien manifesté. Pour le moins déconcertante, cette mise en scène, transposée au XXe dans les années soixante, n’a rien pour charmer ou simplement frapper les esprits. Un décor unique plutôt miserabilis où chaque cliché est pris au premier degré. Un lit monumental qui laisse apparaître une croix au moment voulu, un tableau du Christ peint par le peintre danois Carl Bloch, point d’eau bénite où tremper ses doigts, point de bouquet de fleurs qui se fanent, elles sont projetées sur le mur, ainsi que celles effeuillées par Marguerite. Mais, le sommet du kitch est sans doute cet énorme coffre rouge où sont déposés les bijoux recouverts de tissu rouge, style peluche, semblant tout droit sorti d’un film de Walt Disney. Etrange donc le décor d’Emmanuelle Favre qui nous a habitués à beaucoup mieux. Les costumes de Gérard Audier n’ont rien de particulièrement attrayant. Faust et Méphitophélès portent jeans, T-shirt et blousons de cuir alors que Marguerite cède à la mode Brigitte Bardot, jupe en vichy noir et blanc et que les soldats avec leurs larges chapeaux semblent appartenir à une armée américaine. Seules les lumières de Philippe Grosperrin donnent un peu de relief aux scènes. Le parti pris de Nadine Duffaut est d’avoir un vieux Faust, omniprésent ; se remémorant sa vie il réagit avec plus ou moins de force à ses actions passées. Deux chanteurs donc, un vieillissant prêt à se faire une injection mortelle, l’autre dans la fougue de sa jeunesse retrouvée. Rien de révolutionnaire mais sans portée très profonde. Finalement, le côté religieux très important au XVIe est ici estompé, comme accessoire. Nous assistons à une histoire modernisée où la façon de chanter même est plus actuelle. Ne cherchons pas à retrouver le phrasé d’un Alain Vanzo (Faust) ou de Roger Soyer (Méphisto), nous aurions l’air ringard. Jean-Pierre Furlan est ce Faust vieillissant dont la voix reste assurée et percutante. Son “Salut Ô mon dernier matin” est crédible et touchant dans une belle diction projetée. Une interprétation en accord avec la mise en scène. Jean-François Borras que nous avions apprécié aux Chorégies dans le rôle du Docteur Faust (Méphistophélès) semble chanter ici un peu plus en force, mais les aigus sont assurés et ses airs passent au-dessus de l’orchestre. Tout à fait dans l’atmosphère de théâtre, plus jeune, plus impétueux. Peut-être aimerions-nous plus de légèreté dans l’air “Salut ! Demeure chaste et pure” où l’aigu en demi-teinte est tout à fait le bienvenu. Nicolas Courjal, toujours très apprécié, est un Méphistophélès très moderne, son physique étayant cette conception. Des attributs du diable, point, mais un air faussement engageant qui le fait redouter. Il a la voix du rôle, des graves profonds et un large ambitus qui donnent des aigus à l’aise, puissants et sonores. Si la voix est inquiétante, elle pourrait-être plus grinçante. Nicolas Courjal donne un air de jeunesse qui s’accorde avec l’allure de Faust. Dans cette interprétation remarquée, on aimerait un peu plus de phrasé. Etienne Dupuis entendu dans Germont (La Traviata) en début d’année nous avait semblé plus musical dans son chant. Il est ici Valentin qu’il chante plus en force, sans doute l’écriture est-elle différente. Les aigus sont assurés et tenus sur une belle longueur de souffle. A l’aise sur scène, il est un Valentin impétueux dont la voix devient plus souple dans le médium faisant ressortir un timbre plus maîtrisé. Philippe Ermelier qui nous avait amusé dans My Fair Lady (Alfred Doolittle) est ici un Wagner à l’aise scéniquement et vocalement. Siebel n’est plus chanté par une mezzo-soprano, mais par le ténor Kévin Amiel, il est ici un adolescent handicapé don le phrasé musical donne de la sensibilité au rôle. Nicole Car, la Violetta du début de saison est une Marguerite percutante, dans une voix qui passe avec de beaux aigus clairs et tenus. Le joli phrasé de la “ballade du Roi de Thulé” ou l’air des bijoux, sonore, solide, chanté dans de belles nuance sensibles font ressortir une grande musicalité. Une belle prestation assortie dans une bonne diction. Jeanne-Marie Levy, amusante Dame Marthe que nous avions aussi appréciée dans My Fair Lady (Mrs Pearce). Si scéniquement le Choeur n’est pas mis à l’honneur, Il est néanmoins très applaudi . Une belle présence, des attaques précises dans un ensemble parfait, et toujours cette unité de voix qui résulte d’un très beau travail. Un grand bravo au cadre du Choeur et à son chef Emmanuel Trenque. Un immense bravo aussi à Lawrence Foster et l’orchestre de l’Opéra de Marseille grâce à qui le succès arrive. Dès les premiers accords l’émotion est au rendez-vous. Le chef d’orchestre a su trouver les sonorités justes faisant ressortir les solistes dans une unité de sons. Solo de cor, de violon et de clarinette en duo avec les chanteurs dans des notes piquées ou un admirable phrasé. Enchaînant la musique dans des tempi appropriés, Lawrence Foster soutient les chanteurs, les laisse respirer mais laisse aussi sonner l’orchestre dans les sons veloutés des cordes et dans des rythmes soutenus. Superbe interprétation sans dureté dans un esprit tout à fait…français. Photo Christian Dresse