Grand Théâtre d’Aix-en-Provence, saison 2018
Camerata Salzburg
Premier violon et direction Gregory Ahss
Violon et direction Renaud Capuçon
Alto Gérard Caussé
Paul Ben-Haim:Concerto pour cordes, op. 40
Wolfgang Amadeus Mozart: Symphonie concertante pour violon et alto en mi bémol majeur, K. 364; Sérénade No9 en ré majeur K. 320, dite “Posthorn”
Aix-en-Provence, le 28 mars
En cette soirée du 26 mars 2018, Le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence nous proposait un concert qui pourrait être considéré comme une perle, tant il atteignait un point de perfection. Après avoir fêté les 80 ans de Gérard Poulet, c’est Gérard Caussé qui, à l’aube de ses 70 ans, était à l’honneur. Avec une immense carrière comme chambriste, concertiste, professeur, il avouait, dans une interview accordée à Radio Classique juste avant le concert, n’avoir nullement l’intention de laisser son alto prendre la retraite, mais de continuer encore longtemps, avec lui, cette belle aventure. Encore un bel exemple de passion musicale. Non seulement Gérard Caussé a porté cet instrument sur le devant de la scène créant des vocations chez de jeunes musiciens, mais il a aussi inspiré les grands compositeurs de son temps, tels Henri Dutilleux, Pascal Dusapin, Michaël Lévinas, Betsy Jolas… qui ont composé pour lui de belles pages musicales qui feront résonner le beau son de l’alto. Evidemment, c’est avec le violon de Renaud Capuçon que l’alto de Gérard Caussé allait converser dans la Symphonie concertante de Wofgang Amadeus Mozart. Deux immenses talents entourés des musiciens de la Camerata Salzburg. Cette formation, en plus du plaisir musical, porte en elle le souffle de la “Camerata Florentina” qui, à la Renaissance, incluait poètes et philosophes. Salzburg et Mozart étaient donc venus faire vibrer la salle du Grand Théâtre d’Aix-en-Provence avant de s’envoler pour une tournée en Amérique du sud. Ce n’est pas avec Mozart, mais avec le compositeur Paul Ben-Haim qu’allait débuter ce concert. Né allemand, Paul Frankerburger, obligé de fuir son pays, prend le nom de Ben-Haim en même temps que la nationalité israélienne en 1948, après l’indépendance du pays. Ayant fait ses études en Allemagne, il sera l’assistant de Bruno Walter et de Hans Kappertsbusch. Ses compositions seront plus tard colorées de certaines mélodies et des rythmes des chants orientaux. Le Concerto pour cordes op.40 qui débutait ce concert date de 1947. En quatre mouvements, il est composé de façon tout à fait tonale, basé sur les sons et les rythmes, avec des instruments qui se répondent dans une sorte de canon. Stridence des cordes, ou sons plus suaves des solistes, l’orchestre avance dans chaque mouvement avec quelques phrases romantiques ou plus mélancoliques, faisant résonner des atmosphères joyeuses dans le Finale. La Camerata Salzburg joue sans chef et suit avec une grande attention Gregory Ahss son violon solo, donnant vie et relief à cette partition qui n’en manque pas dans un ensemble parfait. Passant sans transition au siècle de Mozart, nous allons vivre un moment de musique pure avec un orchestre d’une grande discipline qui allait soutenir, mais aussi dialoguer avec les deux solistes, sous la direction intermittente mais ferme de Renaud Capuçon. Le violon Guarneri del Gesù “Panette” 1737 allait échanger avec le son de l’alto du Gasparo da Salo 1560. Il est intéressant de noter ici que ces deux instruments magnifiques et rares, ont des timbres tout à fait différents ; c’est ce qui donnera à cette interprétation un caractère particulier, comme un dialogue entre père et fils dans un échange en parfaite osmose. S’il n’est pas rare d’entendre des solistes de grand talent ayant une même vision de cette partition, il est rarissime de rencontrer une telle complicité et un tel degré de communion. Mozart aurait sans doute été surpris et enchanté d’écouter cette version qui marquera chaque auditeur où chaque note est pensée en fonction du discours et de l’autre soliste. le premier mouvement est joué dans un tempo allant sans accent intempestif avec élégance et rondeur de son dans une même longueur d’archet. Si l’orchestre prend la parole avec force et détermination laissant sonner les deux cors, s’est en se fondant dans le sons des solistes. La cadence millimétrée fait ressortir de belles nuances. Le deuxième mouvement joué sans lenteur dans une grande souplesse d’archets fait apparaître le velouté et le côté sombre de l’alto. Les sons soutenus dans un vibrato mesuré, atteindront le sublime dans la cadence interprétée dans une même esthétique musicale. Enlevé, vif et joyeux est le Presto qui fait ressortir la sûreté des deux solistes et de l’orchestre qui joue sa partition comme dans un trio. Cette Concertante est une leçon de musique, de technique et d’intelligence du coeur ! Elégance, charme des démanchés, phrasé plus libre pour la Sicilienne de Maria Teresia von Paradis donnée en bis avec pizzicati à l’orchestre. Un moment d’éternité prolongé par l’interprétation de la Sérénade No9 en ré majeur dite “Posthorn” composée à Salzburg en 1779. Commençant par des accords affirmés, dans des sonorités rondes, cette musique est interprétée avec élégance, Salzburg oblige, et une netteté des attaques qui évite la dureté. Si le Menuetto est très dansant, avec des contrastes de nuances faisant ressortir le solo de flûte, les troisième et quatrièmes mouvements Concertante et Rondeau, sont interprétés, par les instruments de l’harmonie, concertant. Une composition dont le seul but est de charmer, de séduire par la beauté des sons et du phrasé, suivie d’un Rondeau plus vif, où les notes piquées sont jouées avec humour dans un ensemble remarquable. Une très belle écriture qui met en valeur chaque instrument de l’harmonie. Un Andantino lent sans pesanteur fait ressortir les sonorités suaves du quatuor qui font un tapis sonore aux hautbois sans un joli piano. Ensemble parfait où les sons des cordes et de l’harmonie se fondent. Le second Menuetto met à l’honneur le cor de postillon ; ce petit cor naturel au son clair et rond, dont les notes se font uniquement à l’aide des lèvres, donnera son surnom à la symphonie. Menuetto gracieux, enlevé, rythmé par les timbales et joué dans une grande unité musicale. le Finale est un Presto endiablé exécuté dans un tempo soutenu où archets et trompettes baroques rythment ce mouvement dans un réel engagement. Musique d’un temps où l’élégance régnait en maître, servie par un orchestre incroyable de rigueur et de musicalité qui joue sans chef ; une grande difficulté qui demande une écoute de l’autre continuelle. Après une Symphonie concertante inoubliable, une Sérénade époustouflante qui laisse sans voix jusqu’aux bravi éclatants qui terminent cette soirée de musique mémorable. Photo Caroline Doutre