Toulon, Opéra, saison 2017 / 2018
“WONDERFUL TOWN”
Comédie musicale américaine, livret de Joseph Fields et Jerome Chodorov, paroles de Betty Comden et Adolph Green, tiré de la pièce My sister Eileen de Joseph Fields et Jerome Chodorov, et des nouvelles de Ruth McKenney.
Musique Leonard Bernstein
Ruth Sherwood JASMINE ROY
Eileen Sherwood RAFAËLLE COHEN
Helen DALIA CONSTANTIN
Violet LAUREN VAN KEMPEN
Mrs Wade ALYSSA LANDRY
Robert Baker MAXIME DE TOLEDO
Wreck THOMAS BOUTILIER
lonigan FRANCK LOPEZ
Appopolous, 1er Editeur JACQUES VERZIER
Speedy Valenti, Guide, 2e Editeur, Shore Patrolman SCOTT EMERSON
Franck Lippencott, Fletcher SINAN BERTRAND
Chick Clark JULIEN SALVIA
Un client, un policier JEAN-YVES LANGE
Quatre policiers DIDIER SICCARDI, ANTOINE ABELLO, JEAN DELOBEL, PATRICK SABATIER
Un homme GREGORY GAREL
Danseurs AUDJYAN, MÔMÔ BELLANCE, OPHELIE DE CESARE, ALIZEE DUVERNOIS, SABRINA GIORDANO, UTKU BAL, THOMAS BIMAI, LOÏC FAQUET, GREGORY GARELL, JONATHAN GIMBORD, LIONEL KAPAMBA, HAKIM OUHIBI
Orchestre et Choeur de l’Opéra de Toulon
Direction musicale Larry Blank
Mise en scène Olivier Bénézech
Chorégraphie Johan Nus
Scénographie Luc Londiveau
Lumières Marc-Antoine Vellutini
Création vidéo Gilles Papain
Toulon, le 28 janvier 2018
L’Opéra de Toulon et son directeur Claude-Henri Bonnet fêtent magistralement le 100e anniversaire de la naissance de Leonard Bernstein en programmant sa comédie musicale Wonderful Town. Prise de risque ? Pas vraiment, car le spectacle est si bien monté qu’il ne pouvait qu’enthousiasmer le public remplissant une salle qui affichait complet. Après Street scene de Kurt Weill, Follies de Stephen Sondheim et maintenant Wonderful Town, Claude-Henri Bonnet répond aux attentes d’un public curieux, amateur de nouveauté et venu quelquefois de fort loin. Car c’est ici, à Toulon, qu’est donnée pour la première fois en France cette comédie musicale créée à Broadway le 25 février 1953. Très appréciée, elle ne sera détrônée que par West side story, le chef d’oeuvre du compositeur. Très moderne dans sa conception ainsi que dans son instrumentation, cette comédie l’est aussi dans le choix du sujet qui nous montre l’attrait exercé par la ville de New York. Ici, deux soeurs venues d’un village de l’Ohio décident d’y tenter leur chance et de s’y faire un nom. Cette quête semée d’embûches et de déceptions nous confronte à divers styles et classes de la société américaine. Mais comme souvent avec Bernstein, c’est aussi une ode à la ville de New York. Avec un orchestre très fourni, qui comporte un piano, des claviers, 4 trompettes et 5 saxophones, entre autres, le compositeur fait bouger sa ville et mélange les styles avec bonheur. Avec la danse des marins brésiliens un peu caricaturale, une parodie de Hip-Hop et une mixité raciale toujours omniprésente, cette comédie musicale n’engendre pas l’ennui et ses 8 numéros dansés donnent plutôt envie de participer à une conga très rythmée. Le metteur en scène Olivier Bénézech et le scénographe Luc Londiveau, nous présentent des scènes où les changements à vue gardent le rythme à la pièce dans un tempo enlevé. Nous ne sommes plus dans les années 1930, nous somme à l’époque des téléphones portables, mais New York reste New York avec ses couleurs et ses ambiances, dans une rue, un bureau d’édition, une scène de répétition dans un théâtre, une chambrette de location, une prison ou un cabaret. Mise en scène précise, qui règle aussi bien les gestes que les atmosphères tout en gardant cet élan jazzy, chaloupé, ou carrément ragtime. Mais ce qui nous plonge directement au coeur de cette ville fascinante, c’est la création vidéo imaginée par Gilles Papain dans une grande réalité d’images qui nous transportent dans des ruelles, devant des façades de brique rouge, dans le métro, ou nous font tout simplement admirer les gratte-ciel d’une fenêtre de bureau. Les lumières de Marc-Antoine Vellutini, bien conçues, renforcent le rythme et les atmosphères dans un réalisme très bien pensé. Les costumes de Frédéric Olivier continuent, par leurs couleurs et leur originalité à nous mettre dans les ambiances survoltées de Big Apple, la ville qui ne dort jamais. Que ce soient les robes seyantes des deux soeurs, le costume à carreaux d’Appopolous, la tenue de Wreck le sportif, les uniformes des policiers new-yorkais, ou plus chics, les vêtement de Robert Baker, tous sont appropriés aux situations et aux caractéristiques de chaque personnage, du short ultra court d’Eilleen aux tenues excentriques des artistes du choeur ; rien n’est approximatif et tout est juste. Le cast du plateau est aussi une réussite. De jeunes chanteurs issus d’écoles différentes, américaine, canadienne ou française qui ont assez de talent pour danser, chanter, interpréter dans une entente parfaite et une parfaite union de style, nous transportent immédiatement dans un théâtre de Broadway. Jasmin Roy est une magistrale Ruth, entre comédienne et meneuse de revue, elle est à la fois attendrissante, drôle, pleine de vie et entraîne ses partenaires avec rythme et sincérité dans une voix grave et profonde qui fait le succès de cette production. A ses côtés Rafëlle Cohen, Eileen sa soeur aux aigus sonores, mutine, effrontée ou naïve elle forme avec Ruth un duo de sisters irréprochable dans un “Ohio” sensible. Un duo qui a le sens de la scène et qui fait merveille. Mais, coeur d’artichaut, elle est aussi attendrissante dans un “Little bit of love”. Dalia Constantin est une Helen crédible mais surtout de la même veine que ses partenaires, et qui nous montre toute une frange de la société qui habite, dans une saine insouciance le quartier de Greenwich, aux côtés d’une jolie Violet interprétée par Lauren van Kempen. Alyssa Landry, qui collabore aussi à la mise en scène est une Mrs Wade qui se laisse entraîner par l’exubérance et la bonne humeur de cette jeunesse. Les rôles masculins sont tout à fait bien dans l’interprétation scénique et musicale de la pièce. Maxime de Toledo a l’allure qui convient à Robert Baker ; le style un peu rigide se laisse aller aux tendres sentiments avec une voix de baryton agréable et quelques pas de danse qui lui donnent souplesse et légèreté. Thomas Boutilier est Wreck, un footballeur brusque au grand coeur, qui promène avec avec justesse son authenticité. Jacques Verzier est un Appopolous filou et amusant qui a un grand sens du rythme et de la scène, Scott Emerson un Speedy Valenti vif et drôle, Julien Salvia, un Chick Clark tonique et piquant. Il faut noter Franck Lopez pour son Lonigan qui ne se prend pas au sérieux et Didier Siccardi, Antoine Abello, Jean Delobel, Patrick Sabatier, les quatre policiers. Après un trio d’éditeurs, un choeur de policiers irlandais ou un bel ensemble de marins dansant une conga rythmée, il faut féliciter les artistes du choeur dans son entier qui, peu habitués à chanter et danser sur des rythmes jazzy ont su s’adapter et participer avec une telle conviction qu’on pouvait les imaginer tout juste débarqués de Broadway. Voix aux tonalités américaines et danses rythmées dans un superbe ensemble ont participé à ce succès. Les danseurs, dans une chorégraphie de Johan Nus parfaitement réglée, ont rythmé avec précision et talent les nombreux numéros dansés dans un melting pot de musiques et un métissage de genres. L’orchestre, plus habitué aux accents de Mozart ou de Verdi a su trouver avec rigueur et véracité ceux des orchestres de Broadway. Avec ses cuivres, trompettes en tête, dans une unité de son qui fait se fondre les saxophones, sa petite harmonie avec une clarinette aux aigus stridents, ses percussions ou ses cordes d’une justesse parfaite, l’orchestre nous donne envie de faire des claquettes. Il faut dire que Larry Blank est un chef d’orchestre rompu aux rythmes américains pour avoir dirigé bon nombre de comédies musicales à Broadway. Arrangeur, orchestrateur, il connaît les subtilités et les moindres rythmes qui rendent les musiques américaines inimitables. D’une baguette claire et quelque peu minimaliste, il n’admet aucun décalage, aucune imperfection. Les thèmes ressortent, reviennent dans des enchaînements aux accents qui ponctuent les gestes et les chants dans des nuances subtiles ou plus marquées. Un immense bravo à cet Orchestre de Toulon et à Harry Blank pour ce sans faute aux multiples qualités, mais un immense bravo aussi à toute l’équipe de cette production. Un spectacle éblouissant par la qualité et le professionnalisme de chacun dans une musicalité de tous. Photo ©Olivier Pastor