Opéra, Marseille, saison 2017 / 2018
Orchestre Philharmonique de Marseille
Direction musicale Christoph Altstaed
Piano David Kadouch
Wolfgang Amadeus Mozart:Concerto pour piano No 23 en la majeur K. 488
Anton Bruckner: Symphonie No 2 en ut mineur
Marseille, le 12 janvier 2018
C’est avec un immense plaisir que nous retrouvons, en cette soirée du 12 janvier, la belle salle de l’Opéra de Marseille pour un concert où Wolfgang Amadeus Mozart allait laisser la parole à Anton Bruckner ; car, il faut l’avouer, quoi de plus agréable que d’écouter les notes perlées écrites par Mozart dans un cadre et une acoustique adaptés, loin des salles à l’architecture contemporaine où rien ne concours à nous transporter dans ces ambiances harmonieuses et un peu hors du temps. Le programme annonçait David Kadouch et Mozart ; la certitude pour nous d’un moment de grâce et de délicatesse. Comme beaucoup, nous apprécions ce pianiste au toucher sensible, Révélation jeune talent aux Victoires de la Musique Classique 2010 et Young artist of the year, Classical Awards 2011. La carrière de David Kadouch le fait évoluer, avec le même succès, aussi bien en récital qu’en musique de chambre sur les scènes du monde. Et ce soir, à Marseille, la magie opérait. Le choix du concerto déjà, le 23ème, un des plus connus, composé à Vienne en 1786, période faste pour le compositeur, qui allait connaître un franc succès avec son opéra Le Nozze di Figaro composé à la même période. Tout le génie, mais aussi la sensibilité et les sentiments de Mozart sont contenus dans cette partition. Dès l’Allegro l’on retrouve le compositeur dans sa simplicité d’écriture qui éclaire chaque note ; puis, le très connu deuxième mouvement, coeur de l’oeuvre, nous laisse entrevoir un Mozart mélancolique dans un Adagio en fa dièse mineur peu courant. Moment de solitude d’une beauté dramatique nuancée. Mais ici, comme dans ces opéras d’ailleurs, Mozart laisse là sa mélancolie rêveuse pour un finale qui retrouve la tonalité du début dans un Allegro Assai en la majeur. Avec l’énergie et la joie de vivre retrouvée, le caractère brillant ressort sans affectation. Dans un tempo allant, et après une courte exposition moelleuse de l’orchestre, le pianiste prend la parole dans un jeu clair et perlé qui laisse ressortir les basses. C’est un dialogue musical entre un piano aux articulations nerveuses jouées avec fluidité, et un orchestre qui reprend ses phrases dans une harmonie musicale et des respirations bien venues pour un premier mouvement aéré et d’une grande fraîcheur qui laisse ressortir la cadence jouée avec limpidité. Dans l’Adagio, sans traîner, le piano expose une mélodie sensible. Soutenu par un orchestre présent et d’une grande souplesse, David Kadouch suspend ses notes et laisse le temps à la petite harmonie de lui donner la réplique dans un discours sans agressivité. La lenteur contenue laisse la rêverie s’installer dans une sorte de promenade mélancolique tout en délicatesse. Vif, joyeux, lumineux, le dernier mouvement nous entraîne, avec les cordes au détaché précis, vers de plaisantes pensées où le pianiste excelle avec des pulsations toniques sans précipitation, répondant à un orchestre qui le suit dans ses nuances et ses exaltations mesurées. Ce final animé reste dans l’esthétique raffinée du concerto, où délicatesse rime avec musicalité, sous les doigts déliés du pianiste qui a su faire ressortir avec acuité tout l’esprit du compositeur. Afin de remercier un public enthousiaste, David Kadouch se remet au piano pour un Chopin au rubato mesuré dans une interprétation sensible et délicate. Liberté et sensibilité sont les qualités qui caractérisent ici le jeu très apprécié du pianiste, longuement applaudi. Peut-on trouver un lien entre Mozart et Anton Bruckner dont la 2ème symphonie était proposée en seconde partie du concert ? Nous ne le chercherons pas tout au plaisir de retrouver l’Orchestre Philharmonique de Marseille pour une heure de musique dans un effectif plus complet. Cette symphonie, achevée en septembre 1872, créée le 26 octobre 1873 et publiée en 1892 a subi de multiples changements de la part du compositeur lui-même tout d’abord, puis par les différentes versions proposées. Celle que nous écoutons ce soir est l’édition critique du musicologue William Carragan, et date de la fin des années 1990. Riche en thèmes musicaux différents, la symphonie no2 peut paraître un peu déconcertante à une première écoute malgré les pauses qui rythment les différents thèmes ; Il faut se laisser entraîner dans les diverses ambiances et sonorités qui jalonnent cette partition. Le solo de cor, jugé trop difficile pour l’instrument à l’époque de la création de l’oeuvre, nous ravit, le solo de basson et les instruments de la petite harmonie jouent dans des sonorités délicates amenant des atmosphères mystiques au 2ème mouvement. Les cuivres, les timbales s’affirment sans agressivité dans le Scherzo pour un enchaînement d’écritures différentes dans un Finale aux couleurs contrastées qui revient au thème initial. Cette composition un peu étrange pourrait être une exposition d’images musicales dont le seul but serait de nous transporter dans diverses atmosphères et, ce soir, avec un orchestre au mieux de sa forme et avec des solistes aux sonorités riches et nuancées, le pari est tenu. Le jeune chef Christohp Altstaedt, qui dirigeait pour la seconde fois l’orchestre Philharmonique de Marseille, réussit à passer de la délicatesse de Mozart à une plus grande force pour la musique d’Anton Bruckner sans rupture musicale, en gardant une qualité et une rondeur de son à tout l’orchestre et dans chaque catégorie d’instruments. D’une baguette précise et claire, il impose sa vision de l’oeuvre tout en faisant preuve d’une grande souplesse dans les oppositions de nuances et de couleurs, évitant des roulements de timbales trop secs et des sons saturés aux cuivres dans les fortissimi. Dès le premier mouvement, le tempo allant nous donne la direction que prendra le chef d’orchestre pour cette interprétation avec le chant grave et moelleux des violoncelles. Cette unité de son qui vole de pupitre en pupitre sans brutalité donne tout son sens à cette symphonie. La longueur des archets à la corde des violons de l’Allegro moderato laisse place aux pizzicati d’un Adagio à l’atmosphère nostalgique suspendue. Dans une gestuelle esthétique et efficace, le maestro apporte force et énergie au Scherzo mais aussi délicatesse aux solos de flûte ou de clarinette, soutenus par un quatuor sensible et présent. Tous se retrouvent dans un Finale aux pensées enchevêtrées, pour une montée crescendo d’un éblouissement total. Beaucoup d’intelligence, et de musicalité aussi, dans l’interprétation de cette symphonie qui pourrait paraître décousue sans une parfaite compréhension du texte musical. Un déferlement d’applaudissements pour l’orchestre et son chef qui fait saluer chaque pupitre pour des bravos amplement mérités. Photo © Balazs Borocz Pilvax Studio