Grand Théâtre d’Aix-en-Provence, saison 2017
Orchestre de Paris
Direction musicale Duncan Ward
Igor Stravinski: Suite No I pour petit orchestre.
Franz Schubert: Symphonie No 3 en ré majeur, D 200
Igor Stravinski: Suite No 2 pour petit orchestre.
Ludwig van Beethoven Symphonie No 4 en si bémol majeur, op. 60
Aix-en-Provence, le 12 juillet 2017
Une très belle soirée musicale et symphonique nous était proposée en ce 12 juillet au Grand Théâtre d’Aix-en-Provence. Rien moins que l’Orchestre de Paris – qui est cette année en résidence au Festival d’Aix-en-Provence – allait nous interpréter des oeuvres, certes, de styles différents, mais dont l’esthétique musicale allait servir de lien. A la tête de cet orchestre talentueux, nous n’aurons pas Daniel Harding, son nouveau directeur musical depuis 2016 – celui-ci s’étant fracturé le poignet – mais un jeune chef d’orchestre anglais Duncan Ward. Si c’est une découverte pour nous, son nom restera imprimé dans nos mémoires. Avec la baguette, mais sans partition, ce jeune homme élégant, mais dont la coupe de cheveux fait montre d’une certaine modernité, allait diriger des oeuvres d’Igor Stravinski, Franz Schubert et Ludwig van Beethoven sans aucune fracture musicale tout en rendant à chaque compositeur l’essence même de son oeuvre. Une gageure ! Igor Stravinski avait écrit trois pièces faciles pour piano à quatre mains pour ses enfants, rangées avec humour dans la série “pop corn” ; une fois orchestrées, elles deviendront deux pièces pour petit orchestre. Nous écoutons la No I, où Duncan Ward fait ressortir avec délicatesse les harmonies russes, avec ravissement. Si les cuivres sont précis, et le martelé des cordes au talon sonore, le chef d’orchestre n’oublie pas que cette pièce a été écrite pour distraire de jeunes enfants. Point d’accents ou d’accords tonitruants, mais beaucoup de précision et d’humour, soit dans un tempo de promenade, soit dans une musique plus militaire, légère et nuancée. Avec une direction d’une fermeté délicate, Duncan Ward donne le ton à cette soirée, laissant jouer l’orchestre et les instruments solistes pour cet amusement musical. Impulsions et dynamiques se succèdent dans des moments de grande légèreté. C’est dans cet esprit de légèreté, de clarté et d’élégance que l’Orchestre de Paris va suivre la baguette précise de Duncan Ward. Dans une économie de gestes, mais pas d’investissement, le chef d’orchestre fait ressortir le caractère de chaque famille d’instruments, sans excès, restant dans la recherche du style et des sonorités avec un jeu gai et charmant qui n’exclue pas les accords affirmés et les jolies oppositions de couleurs. Très schubertien, le deuxième mouvement est interprété sur la pointe…de la baguette où la dentelle d’un détaché précieux des archets fait place à l’agréable mélodie jouée par la clarinette. Un troisième mouvement concis, où dans le tempo de valse du Trio hautbois et basson font tournoyer les notes avec élégance. Presto, vif et endiablé ce quatrième mouvement qui reste précis, léger, dans une belle gestuelle d’un chef qui prend au sérieux cette légèreté. Joie évidente, plaisir partagé avec les musiciens et les auditeurs ravis de retrouver dans la musique des moments loin du tumulte, mais si près de la pureté des notes et des pensées délicates. A écouter sans modération ! Après l’entracte, retour à Stravinski et sa suite No 2 pour petit orchestre. Une musique militaire, humoristique aux légères dissonances où les harmonies se frôlent, se frottent, et s’encanaillent dans un savant dosage pour un tempo de valse de foire ou de bal populaire. Interprétation amusante et juste qui donne le sourire aux musiciens et au public qui, pour un instant, retrouve avec plaisir cette âme d’enfant qu’il avait lors des fêtes de villages. Plus sérieux sans doute est Ludwig van Beethoven ; quoique, le compositeur ayant écrit sa quatrième symphonie alors qu’il était amoureux et dans une période heureuse de sa vie, nous trouvons ici aussi, une sorte de légèreté et de gaîté qui ne sont pas toujours évidentes dans ses oeuvres. Duncan Ward a une façon bien à lui de diriger cette symphonie qui commence sur un Adagio avec tenue de trompettes ; un certain mystère s’installe. On retrouve le jeu des sonorités où les instruments de l’harmonie se glissent dans le son des cordes. Les impulsions sont données avec vigueur et précision sans dureté, avec des oppositions de dynamiques, des ralentis bien amenés, et des respirations et des arrêts apportant à cette interprétation un côté personnel, moderne même qui donne à Beethoven un caractère qu’on ne lui connaissait pas. Une certaine jeunesse peut-être ? Duncan Ward sculpte littéralement le deuxième mouvement dans un tempo sans lenteur où les enchaînements se font dans un legato large et musical. Beaucoup de relief dans cette interprétation qui allie naturel et pensée intellectuelle. Il faut se laisser porter par cette vision novatrice et la mélodie de la clarinette au son moelleux. Joie, liberté, humour même, dans ce troisième mouvement où les oppositions de nuances donnent du relief sans un tempo vif sans dureté. L’Orchestre de Paris, dans ses sonorités homogènes et rondes, nous fait entrevoir un Beethoven joyeux. La vivacité de l’Allegro du quatrième mouvement, joué agitato, nous conforte dans ce sentiment de bonheur pour une âme apaisée. C’est sans doute à Duncan Ward que que nous devons la perception nouvelle de ce Beethoven plus léger, souriant, qui n’appuie jamais les accents, leur enlevant un certain côté dramatique. Précision des archets et des dynamiques, violons endiablés et enchaînements faits avec légèreté, ont donné à cette symphonie une lumière particulière. Dire que nous avons aimé, est en deçà de ce que nous avons éprouvé avec ce programme élaboré avec intelligence, interprété par un orchestre que nous avions trouvé au top niveau déjà dans l’opéra “Carmen” qui manifeste ici encore son excellence, et dirigé par un chef d’orchestre éminemment talentueux, loin d’une gestuelle hors norme et des sauts inutiles, mais tellement habité. Un concert que l’on aimerait écouter une autre fois encore, tant il nous a charmé. Photo Vincent Baume