Grand Théâtre, Aix-en-Provence, saison 2017
Ensemble The Knights
Direction Eric Jacobsen
Violon Renaud Capuçon
Piano Jean-Yves Thibaudet
Johann Sebastian Bach: Concerto brandebourgeois No 3 en sol majeur, BWV 1048
Felix Mendelssohn: Double concerto pour piano en violon en ré mineur, MWV 4
Igor Stravinsky : Concerto en mi bémol majeur “Dumbarton Oaks”
Wolfgang Amadeus Mozart Symphonie No 29 en la majeur, KV 201
Aix-en-Provence, le 20 avril 2017
En cette soirée du 20 avril, le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, en la salle du Grand Théâtre, nous proposait un rendez-vous avec l’ensemble de musique de chambre The Knights, que nous ne connaissions pas mais que nous étions très désireux d’écouter. C’est à l’évidence ces rencontres inattendues qui font, avec la qualité des artistes proposés, le charme de ce festival. En solistes, deux artistes au sommet de leur art : Renaud Capuçon (violon) et Jean-Yves Thibaudet (piano). Eclectisme du programme qui couvre plus de deux cents ans de musique, avec le Concerto présenté sous diverses formes. Le Concerto brandebourgeois No 3 de Johann Sebastian Bach, où violons, altos, violoncelles, par trois, discourent et se répondent de façon concertante, parfois en canon, Le Double concerto en ré mineur de Felix Mendelssohn pour un échange à trois voix, violon, piano, orchestre, puis le Concerto en mi bémol majeur “Dumbarton Oaks” d’Igor Stravinsky où cinq instruments de l’harmonie échangent avec les cordes. Une belle découverte de cette partition peu jouée. Pour finir le concert, la Symphonie No 29 en la majeur, composée par un Mozart de 18 ans. La formation The Knights dont les musiciens paraissent s’amuser avec professionnalisme, passent du violon ou violoncelle à la baguette ou du violon au chant, dans la joie et la musicalité. LeConcerto brandebourgeois semble pourtant manquer de mordant, de corps dans la sonorité. Sans doute cet ensemble est-il plus habitué aux salles de dimensions moins larges ; bien que chaque instrumentiste joue avec beaucoup d’allant, dans de longs archets à l’aise, le son se perd, Bach manque de poids, de volume, mais, instant inattendu et néanmoins bien venu, qui pourrait faire sursauter les puristes, les quelques accords de l’Adagio seront prolongés par la chanson American Tune de Paul Simon, interprétée par la voix rauque et jazzy de Christina Courtin qui avait lâché son archet pour prendre le micro. Cette petite page vocale inspirée par La Passion selon saint Mathieu de Johann Sebastian Bach, donnera du relief à ce Concerto brandebourgeois qui en manquait très certainement. Atmosphère romantique et très délicate avec Mendelssohn. L’orchestre placé derrière le piano sonne sans éclat, mais, Jean-Yves Thibaudet faisant entrer directement le piano solo dans le vif du sujet et le violon nerveux de Renaud Capuçon vont donner à cette partition, qui ne manque pas d’intérêt, toutes les atmosphères et les couleurs qui changent au fil des mesures et des mouvements. L’entente parfaite entre les deux solistes permet à chacun de se faire entendre pour s’unir dans des phrases romantiques. On retrouve chez Renaud Capuçon toutes les qualités qui nous séduisent : la brillance du timbre, la technique d’archet qui lui permet toutes les audaces et un vibrato chaleureux qui soutient le son. Avec Jean-Yves Thibaudet, ils forment un duo de charme où le toucher délicat du pianiste entre dans la chaleur des cordes du violon ; avec son jeu sobre mais brillant, solide sans imposer, il fait preuve d’une musicalité qui lui donne, en effleurant les touches du piano, cette aisance élégante de mise dans les langueurs délicates du deuxième mouvement. Vif, enlevé le dernier mouvement, à la ungarese, pour un duo de choc ou de charme, remportera tous les suffrages. L’orchestre soutient avec précision les deux artistes qui ont su retenir l’attention du public et soulever son enthousiasme par un jeu à la profondeur toujours renouvelée. Atmosphère différente pour le Concerto grosso d’Igor Stravinsky pour petit orchestre de chambre, en fait une commande pour un anniversaire de mariage, créé dans la propriété dont il porte le nom en 1938, et dirigé par Nadia Boulanger. Le relief est donné par les instruments de l’harmonie. Joué sans chef, ce concerto maintient le rythme avec précision dans une musique colorée aux dissonances humoristiques. Les diverses atmosphères s’écoutent tel un livre dont les pages se tournent. Malgré un son très confidentiel des cordes dans le piano, les musiciens qui paraissent s’amuser dans ces rythmes jazzy font montre d’une grande compréhension des intentions du compositeur. Cette oeuvre qui semble avancer continuellement nous emmène dans des lieux imagés et colorés. La Symphonie No 29 KV 201 de Wolfgang Amadeus Mozart, oeuvre de jeunesse faisant partie des symphonies dites salzbourgeoises est interprétée dans un esprit très musique de chambre ; sans chef, le tempo a du mal à s’installer mais le soutient des deux contrebasses, piliers de l’orchestre, maintient un bel ensemble d’archets au détaché percutant. Mais là aussi, le relief fait défaut, dû sans doute au manque de contrastes dans les nuances avec des piani trop confidentiels. C’est dans l’Andante que l’on apprécie le plus ce jeune orchestre dont la sensibilité et le grand sens du phrasé et des harmonies font ressortir l’entente parfaite avec les instruments à vent. UnMenuetto allant, dans une interprétation mesurée, et un Allegro joué con spirito font, dans un ensemble parfait des attaques et des fins de phrases, que le concert se termine avec plus de peps, avec des accords moelleux. Un concert intéressant, très apprécié par un public qui n’a pas ménagé ses applaudissements et ses bravos. Le talent des musiciens, entraînés par leur violon solo et leur investissement personnel, doivent certainement donner un résultat plus brillant dans un cadre plus feutré où l’on serait plus à même d’apprécier leurs nuances extrêmes. Un concert agréable qui a permis d’écouter un duo de haut niveau très homogène, dont le style et la musicalité ont fait merveille. Photo Caroline Doutre