Regentenbau, Max-Littmann-Saal, été 2016
Orchestre Philharmonique de Marseille
Direction musicale Lawrence Foster
Mezzo-soprano Waltraud Meier
Baryton Daniel Kotlinski
Violoncelle Gautier Capuçon
Richard Wagner: “Lohengrin”, Préludes actes I et III
Gustav Mahler: “Das Knaben Wunderhorn”: “Rheinlegendche”, “Revelge”, “Des Antonius von Padua”, “Fischpredigt”, “Lob des hohen Verstandes”, “Wo die schönen Trompeten blasen”, “Wer hat das liedlein erdacht ?”, “Das irdische Leben”, “Der Tambourg’sell”, “Urlicht”.
Joseph Haydn: Concerto No I pour violoncelle et orchestre en do majeur
Richard Strauss: Suite du Chevalier à la rose pour grand orchestre
Bad Kissingen, le 24 juillet 2016
De retour dans la très jolie Max-Litmann-Saal, de Badkissingen, après un concert donné à Wiesbaden, l’Orchestre Philharmonique de Marseille et son chef Lawrence Foster, nous proposaient pour cette soirée de clôture du Kissinger Sommer, un programme entièrement consacré à une musique de culture germanique. Une gageure ? Peut-être, mais une prise de risque, certainement. Lawrence Foster aime les pirouettes et les clins d’oeil. Sûr de son expérience musicale et de la réceptivité de son orchestre, il entre à pas feutrés dans la musique de Richard Wagner, pour le Prélude de l’acte I de Lohengrin, avec le son aérien des violons. Dans un tempo lento ma non troppo, le chef d’orchestre étire les notes et joue sur les sonorités. C’est cette continuité, ce tapis sonore qui vient en s’élargissant pour plus de puissance, qui nous emporte dans la magie créée par la musique de Richard Wagner ; et l’on sait, dès les premières notes, que le pari est gagné. Etonnant Lawrence Foster qui a su glisser sa baguette dans celle du compositeur ! Dans le déroulement de la ligne musicale, chaque instrument se fond dans la sonorité de l’autre sans cassure, laissant passer la petite harmonie aux vibrations contenues, avant l’énorme éclat des cymbales, dans un crescendo à donner le frisson. L’émotion est soutenue par le souffle des violons aux changements d’archet d’une grande souplesse, pour finir comme au début, dans un souffle joué piano. Le Prélude de l’acte III, va permettre au Maestro d’entraîner son orchestre dans un tempo vif et marqué, et des sonorités éclatantes où cors et trombones feront résonner leurs instruments. Rythmes précis, baguette claire et gestuelle large, laissent éclater cymbales et violons déchaînés. Sans conteste, Wagner était au rendez-vous.
Waltraud Meier, cette grande dame du chant, allait interpréter certaines des chansons écrites par Gustav Mahler sur des poèmes de Clemens von Brentano et Achim von Arnim : Des Knaben Wunderhorn, avec cette élégance et cette retenue qu’on lui connaît. Dans une diction parfaite et une musicalité de tous les instants, elle répond avec légèreté au violon solo. Jouant le texte, elle fait vivre ces courtes histoires avec beaucoup de tendresse et de sensibilité. Accompagnée avec souplesse et délicatesse par un chef d’orchestre à l’écoute, ils trouvent ensemble, les atmosphères voulues par le compositeur. Ses aigus sont clairs, puissants ou couverts pour plus de sensibilité ; mais c’est sans doute avec ” Das irdische leben “, que nous serons le plus émus. Dans cette complainte, pourtant dans un tempo allant, petite harmonie et voix feront ressortir la tristesse, traduite par une ironie tragique. ” Ulricht “, fait ressortir la voix grave de la mezzo-soprano dans ce thème retenu par Gustav Mahler pour sa deuxième symphonie, et c’est avec un médium mélodieux et un joli vibrato, que la voix résonne religieusement au son d’un hautbois sensible. Daniel Kotlinski, le basse baryton polonais, dont la carrière internationale devait le conduire jusqu’en Chine, répondait à Waltraud Meier dans quatre chansons humoristiques ou beaucoup plus tragiques. Si, comme à Marseille dans la IXème symphonie de Beethoven, sa voix est jugée assez peu sonore, il fait montre ici d’une compréhension musicale qui lui permet d’exprimer avec justesse des sentiments divers qui vont du rythme militaire dans ” Revelge “, à l’atmosphère lourde ou tragique dans ” Der Tamboursg’sell ” assez inspiré ; et, malgré des graves un peu étouffés, l’humour mettra un peu de joie dans ” Lob des hohen Verstandes “.
Si les amateurs de chant et de lieder s’étaient déplacés pour écouter Waltraud Meier, Gautier Capuçon, très connu en Allemagne, était attendu avec impatience ; et c’est avec le concerto No I de Joseph Haydn en do majeur, qu’il avait décidé de séduire son auditoire avec la fougue qu’on lui connaît. Prenant son violoncelle à bras le corps, il nous donne à écouter un Haydn de caractère, déployant avec musicalité toutes les possibilités que lui permet sa technique infaillible. Du vivacissimo au tempo plus apaisé du deuxième mouvement, les qualités du soliste sont les mêmes : archet à la corde, sûreté de main gauche, grande justesse, vélocité diabolique, vibrato chaleureux. Mais, dans tout ce brio, il faut remarquer aussi la sensibilité, les tendres pianissimi à la pointe avec des sonorités presque détimbrées, les reprises d’archet délicates et la musicalité, ou l’humour parfois, de Gautier Capuçon ; si son détaché, dans une grande coordination des deux mains est impressionnant, on aimerait peut-être un tempo un peu moins vivace pour des respirations plus détendues qui apporteraient plus de moelleux aux accords. Gautier Capuçon est un violoncelliste époustouflant sûr de sa technique et musicien jusqu’au bout de l’archet ; et, pour remercier un public qui lui a réservé une ovation, il offre un de ses bis fétiches : une marche de Prokofiev, pour finir sur une note d’humour joyeux. Gautier Capuçon joue sur un instrument datant de 1701, un Matteo Goffriller. Mais comment, Richard Strauss maintenant ? Eh bien, oui : La suite du Chevalier à la rose pour grand orchestre. Quelle énergie, quelle grandiloquence ! Tout Strauss est contenu dans cette oeuvre. Et, là encore, Lawrence Foster va nous étonner et nous transporter dans un monde où les changements d’atmosphères sont nombreux. Avec les envolées des violons, les appels des cors, les clarinettes aux sons voilés ou comme un cri, ou encore le hautbois nostalgique, tous les thèmes, d’Octavian, du baron Ochs ou de la Maréchale sont là. Les sentiments sont à fleur de peau, à fleur de baguette. Le Maestro Foster sait comme personne faire sonner son orchestre et dénicher les sonorités justes de chaque instrument, du son clair du violon solo qui joue avec grâce et charme dans une valse qui donnerait des ailes aux danseurs, à la trompette au son velouté ou incisif, nous retrouvons toutes les couleurs . Mais le plus remarquable est la fluidité, l’aisance, la souplesse des enchaînements, dans des tempi toujours justes, qui nous emmènent dans l’univers de la Maréchale, où joie, humour et mélancolie se succèdent pour finir dans un énorme crescendo. Mais comme si ce coup d’éclat n’était pas suffisant, le Maestro après quelques mots, et sans doute pour signifier aux anglais qu’ils ne sont pas vraiment sortis de l’Europe, fait résonner, en bis, les accents d’une pièce de Sir Edward Elgar, rendue célèbre pour être jouée la dernière soirée des ” Promenade Concerts “donnés au Royal Albert Hall de Londres. Après l’accompagnement délicat des Lieder de Gustav Mahler, ou celui endiablé du concerto de Haydn, quel panache Maestro ! L’accueil enthousiaste du public est la récompense méritée pour ces concerts donnés en terre allemande.