Grand Théâtre d’Aix-en-Provence, Festival de Pâques 2016
Orchestre Camerata Salzburg
Direction musicale Louis Langrée
Piano Hélène Grimaud
Maurice Ravel: Ma mère l’Oye, Concerto en sol majeur
Wolfgang Amadeus Mozart: Symphonie 41 ” Jupiter ”
Aix-en-Provence, le 23 mars 2016
En inscrivant au même programme Ravel et Mozart, le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, avait fait un choix judicieux. Près de 150 ans séparent la symphonie Jupiter et le concerto en sol, et pourtant ! Une écriture délicate, des orchestres peu fournis et des atmosphères suggérées permettent le parallèle et laissent l’auditeur dans une ambiance douce et subtile, malgré certains crescendi interprétés avec force. Ma mère l’Oye de Maurice Ravel, qui débutait ce programme, est un petit bijou de délicatesse et de musicalité. La composition, au plus près du texte, se fait conteuse, magicienne, et transporte dans un monde merveilleux. Tirées du recueil des contes écrits par Charles Perrault en 1697, Maurice Ravel, transcrit ces histoires en pages musicales afin de distraire les enfants de Monsieur et Madame Godebski, ses amis. Initialement composées pour piano à quatre mains, ces pièces atteindront des sommets d’intimité orchestrale procurée par des sons chambristes qui prêtent au rêve ; Louis langrée et la Camerata Salzburg, allaient nous transporter dans ce monde imaginaire. Dans un tempo adapté et des sonorités délicates, la flûte aux sons suspendus nous promène dans cette Pavane de la Belle au bois dormant, avec quelques notes de harpe en gouttes d’eau. Le Petit Poucet est-il perdu dans la forêt, et les légers sons harmoniques du violon sont-ils quelques chants d’oiseaux ? Un tempo allant nous fait traverser les bois sans mauvaise rencontre. Laideronette joue L’impératrice des pagodes aux accents du xylophone et du glockenspiel qui animent avec naturel cette page exotique. Dans un tempo de valse le contrebasson répond au discours de la clarinette, où rallentando et accelerando effrayés illustrent Les entretiens de la Belle et de la Bête, puis, la mélodie au joli phrasé nous fait parcourir Le jardin féérique. Le chef d’orchestre nous donne ici une interprétation très française de cette pièce où délicatesse rime avec style et musicalité. Mettant en relief chaque instrument soliste, il fait ressortir avec clarté les intentions du compositeur tout en mettant en lumière les qualités des instrumentistes, et de l’orchestre en général. Bien qu’intériorisée, cette interprétation est d’une grande générosité. Maurice Ravel encore, pour Hélène Grimaud et le concerto en sol. Cette oeuvre composée entre 1929 et 1931, ( en même temps que le concerto pour la main gauche ), est créée à Paris à la Salle Pleyel le 14 janvier 1932 par Marguerite Long pour qui elle avait été écrite, et sous la baguette du compositeur. Hélène Grimaud et Louis Langrée s’apprécient beaucoup mutuellement, et ce soir, ils vont nous livrer leur version de ce concerto avec une soliste en état de grâce. C’est justement ce concerto qu’elle avait interprété pour la soirée de gala de l’inauguration de la Philharmonie de Paris le 14 janvier dernier. Fait étrange, la même date avait été retenue pour la création du concerto avec quelques 80 ans d’écart, et sous les doigts d’une femme encore ; doit-on dire que le jeu est plus délicat au féminin ? Certainement plus poétique, et Maurice Ravel aurait adoré cette version, nous en sommes certains. Dans un tempo vif avec le relief de la trompette et les accents des cordes, le piano fait entendre des harmonies étranges mais suaves mêlées à des accents jazzy. Hélène Grimaud, avec sûreté et élégance, se lance dans cette interprétation avec un toucher extraordinaire de finesse, qui se coule dans les sonorités de l’orchestre sans l’écraser par des sons trop forts ; dominant le piano, chacun de ses sons est d’une grande expressivité. Elle semble survoler les touches avec dextérité, tout en faisant sonner chaque note avec une sonorité particulière, et le deuxième mouvement en sera l’illustration parfaite. Marguerite long, disait que pour interpréter ce mouvement hautement difficile, il fallait faire appel à son coeur. C’est ce qui ressort ici, où l’exposition est jouée par le piano seul avec tendresse, dans une émotion contenue. La pureté du style d’Hélène Grimaud, transparaît dans chaque phrase, chaque mélodie alors que la main gauche joue les basses sans dureté. Un moment de musique pure qui finit dans un trille, sur le souffle des violons. ” Clap ” des cuivres pour l’entrée du dernier mouvement. Atmosphère différente où la pianiste s’exprime avec virtuosité répondant au solo diabolique du basson. L’éclat et le brio du jeu d’Hélène Grimaud ne peuvent en aucun cas masquer sa musicalité et sa sincérité. Entre la soliste, la Camerata Salzburg et la direction de Louis Langrée, la fusion est complète ; réunis dans la même esthétique musicale et la même sensibilité, cette interprétation est un sommet d’élégance et de profondeur émotionnelle. Que dire du son du piano qui réussit à trouver les sonorités de l’orchestre pour un discours où fluidité rime avec intensité ? Pour ne rien changer à la tradition, le troisième mouvement sera bissé pour le plaisir de tous avec beaucoup de brio. Puis un extrait des études tableaux de Rachmaninov, où la limpidité du jeu, la richesse des sonorités, les nuances subtiles aux ralentis expressifs finissent de résonner sous une salve d’applaudissements. En deuxième partie de ce concert, la Symphonie No41 de Mozart ” Jupiter ” nous était proposée. Composée en 1788, elle est considérée comme étant l’ultime symphonie écrite par le compositeur. A-t-elle été jouée de son vivant ? la question reste posée. Mais ce qui est certain, c’est l’accueil chaleureux du public dès ces premières exécutions. Louis Langrée, allait faire le lien ce soir, entre Maurice Ravel et Wolfgang Amadeus Mozart. Malgré la coupure de l’entracte, nous retrouvons l’atmosphère de délicatesse contenue dans la première partie. Entre baroque et classicisme, le chef se sert avec intelligence de l’excellence de l’orchestre pour rendre vivante la partition avec des oppositions de nuances, alternant les piani subtils et les forte nets. On peut ressentir l’investissement personnel de chaque musicien et cette envie de suivre le chef, à la façon de répondre instantanément à ses demandes. Délicatesse et fermeté sont les maîtres mots de Louis Langrée qui servira le deuxième mouvement par un tempo sans trop de lenteur permettant une grande fluidité d’exécution. Et c’est avec une baguette expressive que le dernier mouvement se poursuivra jusqu’au bel accord final avec un quatuor dont la vitesse d’archet, et les accents joués sans aucune dureté donneront le relief. Pour répondre à l’enthousiasme du public, Chef et orchestre nous feront entendre une pièce de Mozart ( Cassation No1 K63 ). Le jeune Wolfgang Amadeus n’avait que 13 ans lorsqu’il l’écrivit. Jouée par les cordes avec humour et tendresse, cette oeuvre de jeunesse nous promène, sur des mélodies de violons, dans des pianissimi délicats. Cette parenthèse musicale ravissante termine ce concert en tous points homogène et de haute tenue, qui a fait vibrer les cordes sensibles…d’un public charmé. Et quel succès !