Orange, Chorégies, Saison 2015
Orchestre National de Lyon
Direction musicale Enrique Mazzola
Soprano Ekaterina Siurina
Ténor Joseph Calleja
Musique de: Francesco Cilea, Giuseppe Verdi, Gaetano Donizetti, Vincenzo Bellini, Giacomo Puccini, Charles Gounod
Orange le 7 juillet 2015
En cette soirée du 7 juillet, Orange ouvrait grand les portes des Chorégies pour un concert lyrique où le belcanto était à l’honneur, avec en solistes deux chanteurs de renommée internationale. La jeune et jolie soprano russe Ekaterina Siurina, applaudie sur les grandes scènes européennes ainsi qu’au Metropolitan Opera de New York, et le ténor d’origine maltaise Joseph Calleja mondialement reconnu comme l’un des meilleurs ténors actuels, allaient être accompagnés par l’orchestre National de Lyon. Enrique Mazzola, actuellement directeur musical de l’Orchestre d’Ile-de-France, allait coordonner cette soirée de prestige. Tous trois se produisant pour la première fois à Orange. Ce chef d’orchestre ayant fait ses études musicales au conservatoire de Milan, se consacre à la direction d’orchestre après avoir étudié le piano et le violon. Reconnu comme un spécialiste du belcanto, il dirige maintenant les plus grands orchestres européens, et sera bientôt au pupitre du Met. Le mistral ayant décidé de souffler ailleurs qu’à Orange, nous allions apprécier cette soirée sous un ciel provençal étoilé, portés par le seul souffle des plus grands compositeurs italiens : Cilea, Puccini, Verdi, Donizetti et Bellini, auxquels Gounod allait apporter les accents français d’un Roméo et Juliette toujours apprécié du public. D’entrée, l’orchestre nous faisait entendre les notes sensibles du prélude d’Adriana Lecouvreur ( Cilea ). Sous la baguette du Maestro Enrique Mazzola, les cordes aux sonorités rondes résonnaient dans un tempo adapté au phrasé, phrasé joliment repris par la voix claire et sensible de Joseph Calleja, faisant suite au solo du hautbois dans l’Air de Maurizio ” La dolcissima effigie “. Dans cette première partie Ekaterina Siurina apparaît, moulée dans une longue robe bleue, pour nous faire entendre les accents de cette Gilda qu’elle connaît bien pour l’avoir interprétée de nombreuses fois sur de grandes scènes. Son ” Caro nome ” est chanté avec sensibilité avec une voix au timbre chaud, bien que de façon un peu scolaire, avec toutefois des aigus assurés. Les Airs s’enchaînent : ” Questo o Quella ” Air il Duca di Mantova, Air de Norina ” Quel guardo il cavaliere ” du Don Pasquale de Donizetti, Air de Macduff ” Oh Figli Miei..” Macbeth ( Verdi ), Donizetti encore pour l’Elisir d’Amore, avec l’Air d’Adina ” Prendi per me, sei libero ” et le Duo Adina / Nemorino ” Caro Elisir ! sei mio ! Esulti pur la barbara ” , interrompus par l’ouverture de Don Pasquale jouée à l’orchestre. Dans cette première partie, chanteurs et musiciens semblent chercher leurs marques, sans doute impressionnés par la vastitude du lieu, ils ont du mal à s’imposer et à trouver l’équilibre des sonorités ; on remarque même quelques petits accrocs, et malgré la précision de la baguette, l’ensemble manque de dimension, de percutant et paraît un peu plat. On souhaiterait plus de légèreté dans le chant d’Ekaterina Siurina et plus de soutien du souffle dans le medium de Joseph Calleja. Mais tout change en deuxième partie. Dès les premiers accords de l’ouverture de Roberto Devereux ( Donizetti ) l’orchestre résonne avec plus de relief, plus de brillant dans les cordes avec un spiccato léger, aux accents d’un ” God Save the Queen ” mélodieux. Ekaterina Siurina, dans une robe claire, seyante, aux reflets argentés a retrouvé l’assurance dont elle manquait en première partie, le phrasé s’affirme, se détend et elle chante l’Air d’Amina ” Care compagne ” de la Sonnambula ( Bellini ) avec une belle longueur de souffle, nous donnant à entendre des vocalises à l’aise et des aigus assurés qui gardent leur couleur jusque dans les longues notes chantées pianissimo. Dès ” L’Arlesiana de Cilea, nous retrouvons dans l’Air de Frederico ” E la solita storia del pastore ” l’émotion contenue dans le chant du Joseph Calleja que nous apprécions tant. L’accompagnement sensible de l’orchestre fait ressortir ses pianissimi falsetto. C’est un chant sincère au joli phrasé et aux graves assurés qui nous est proposé et auquel le public répond par des bravi enthousiastes. Avec Puccini et l’Air de La Bohème ” Quando men vo…” chanté par une Ekatarina Siurina à l’aise, dont les aigus puissants résonnent avec une belle longueur de souffle, c’est une Musetta tendre et spirituelle qui vient nous charmer. mais c’est avec l’Air de Mario Cavaradossi ” E Lucevan le stelle ” de Tosca ( puccini ) que Joseph Calleja nous transportera au plus vif de l’émotion, une émotion venue du profond de l’être de ce ténor, dont la sensibilité répond aux accents d’un quatuor de violoncelles ou d’une clarinette habités. On retrouve ici tout ce qui a rendu cet Air si célèbre, peut-être le plus beau du répertoire lyrique, avec des aigus aux belles longueurs de souffle. Dans l’Intermezzo composé par Bellini pour ” I Capuleti e I Montecchi ” l’orchestre déploie toutes ses possibilités de précision, de netteté, de finesse ou de puissance sous la baguette d’un chef d’orchestre qui sait communiquer sa sensibilité aux musiciens. Charles Gounod, le seul compositeur français de ce programme, terminait ce récital avec son Roméo et Juliette de charme. Air de Juliette ” Je veux vivre ” tout d’abord, si bien écrit, chanté par une voix de soprano aux jolies couleurs, dans un tempo qui fait ressortir tout le caractère de ce chant entraînant avec des vocalises à l’aise, pour finir dans un aigu long et puissant. C’est un Roméo au chant sensible et investi qui lui répond dans un ” Ah, lève-toi soleil “de toute beauté aux aigus clairs. Sa prononciation ainsi que sa bonne projection lui permettent de faire ressortir sa musicalité dans de belles nuances. Le duo Roméo : Juliette dans l’Air ” Nuit d’Hyménée ” qui terminait ce concert était soutenu par un orchestre aux sonorités rondes dont le soli de violoncelles faisait écho au phrasé des chanteurs. Un duo de charme avec des voix qui s’accordent dans une même émotion, partagée entre énergie et sensibilité. Des chanteurs qui ont pris plus d’assurance au fil des airs interprétés, et qui ont su trouver les couleurs particulières à chaque compositeur. Voulant prolonger ce moment de grâce sous les étoiles, Joseph Calleja nous donne à écouter la chanson napolitaine ” O sole mio ” avec des accents lumineux. Puis c’est Ekaterina Siurina qui chante l’Air de Gianni Schicchi ” O mio babbino caro ” ( Puccini ) Air O combien délicieux et délicat avec des aigus aux jolies attaques et aux belles tenues pianissimo. Pour finir, un duo de Don Pasquale très à l’aise, avec des intervalles qui font ressortir la large tessiture de Joseph Calleja. Un concert commencé un peu sur la pointe des….archets, mais qui une fois trouvé l’équilibre entre l’orchestre, les chanteurs et le lieu nous a procuré de grands moments de plaisirs et d’émotions, dirigé par un chef d’orchestre à la fois précis et sensible. Un concert salué par de longs applaudissements.