Festival d’Aix-en-Provence 2015, Grand Théâtre de Provence
London Symphony Orchestra
Direction musicale Sir Simon Rattle
Piano Krystian Zimerman
Johannes Brahms: Concerto pour piano et orchestre No1 en ré mineur op.15
Antonin Dvorak: La Colombe sauvage op.11O
Le Rouet d’or op.1O9
Aix-en-Provence, le 9 juillet 2O15
Le Festival d’Aix-en-Provence nous propose très souvent des concerts d’exception et ce soir, en plus d’un programme alléchant, trois ” vedettes ” incontestées de la musique classique étaient présentes : le pianiste polonais Krystian Zimerman, qui avait annulé le concert programmé lors du Festival de pâques, encore plus attendu de ce fait, le London Symphony Orchestra, qui passe pour être l’un des meilleurs orchestres du monde, et le charismatique chef d’orchestre Simon Rattle. C’est devant une salle comble que résonnaient les premiers accords du concerto No1 de Johannes Brahms dans un roulement de timbales inquiétant qui allait contraster avec la souplesse des cordes au joli phrasé. Avec l’élégance et la gestuelle affirmée qu’on lui connaît, Simon Rattle énonce avec des sonorités appuyées l’introduction de ce concerto. Avec une technique sans faille et des doigts d’une sûreté absolue, Krystian Zimerman nous livre sa version de ce concerto. Brillantissime ou plus tendre dans les oeuvres de Chopin, son interprétation du concerto de Brahms nous laisse un peu dubitatifs. Il alterne un jeu délicat avec en contrastes un jeu très musclé. Ces brusques changements rompent trop souvent la ligne musicale. Souvent employé comme faisant partie de l’orchestre, le pianiste profite des courtes cadences pour faire ressortir sa sonorité et sa musicalité. Parfois très fort, l’orchestre semble livrer une bataille entre le piano et les décibels. Dans le deuxième mouvement, Krystian Zimerman reprend les sons éthérés de l’orchestre mais ces sons suspendus paraissent trop présents. Seul le superbe soli de violoncelles semble retrouver le son profond de Brahms. On remarque une certaine recherche dans les atmosphères créées par l’orchestre et le pianiste mais sans atteindre le naturel nécessaire aux sonorités particulière de Brahms ; sans aller chercher le son au fond de la note, les accents deviennent ici trop accentués. Le troisième mouvement pris dans un tempo vif fait ressortir avec énergie et clarté l’éblouissante technique du pianiste dans des montées de gammes éblouissantes, mais sans doute l’écriture de ce concerto ne permet-elle pas vraiment d’installer un dialogue avec l’orchestre. La cadence jouée avec fluidité nous séduit plus, mais la force déployée par l’orchestre et le jeu nerveux du pianiste nous font penser, malgré les grandes qualités de chacun, que le chef et le pianiste sont passés à côté du caractère et des sonorités spécifiques à Johannes Brahms. Atmosphères différentes en deuxième partie de ce concert consacré à Antonin Dvorak avec deux de ses poèmes symphoniques : La Colombe sauvage et le Rouet d’or composés d’après les contes du poète tchèque Karel Jaromir Erben. La musique colorée d’Antonin Dvorak va illustrer ces histoires cruelles et fantastiques en utilisant les sonorités des instruments ( violons avec sourdines évoquant les plaintes ), les rythmes, les accents folkloriques ou la couleur des timbres. Ici, Simon Rattle donne toute la dimension de son talent de chef d’orchestre en modelant ses instruments et en faisant ressortir toutes leurs possibilités. Chacun a sa fonction, l’inquiétude de la clarinette basse, la lumière des flûtes, l’éclat des cymbales ou la profondeur des sentiments d’un soli d’alti. Tout le génie du compositeur se retrouve ici exploité à merveille, faisant ressortir les émotions dans un bon tempo avec une belle énergie dans le geste. Aussi bien dans la Colombe sauvage que dans le Rouet d’or, avec un solo de violon sensible ou la profondeur d’un cor anglais plus mélancolique, Simon Rattle guide les lumières voulues par le compositeur et nous donne une version éblouissante de ces pièces musicales dirigées à leur création par Leos Janacek en 1898 et Gustav Malher un an plus tard. Sir Simon Rattle qui prendra la tête de ce fantastique orchestre dès 2017 est déjà en parfaite osmose avec les musiciens qui semblent l’apprécier et jouer sous sa baguette avec un plaisir évident. Au tumulte d’applaudissements qui soulevait la salle à l’issue du concert, l’orchestre nous offrait en bis trois minutes d’une Danse slave de Dvorak enlevée. Beauté du son, élégance du geste et profondeur de la musique étaient les maîtres mots de ce concert.