Salle du Silo, Marseille, saison 2014 / 2015
Orchestre Philharmonique de Marseille
Direction musicale Karen Kamensek
Clarinette Alain Geng
Violon Da-Min Kim
Herbert Willi: Concerto pour clarinette
Darius Milhaud: Concerto pour violon No.2
Johannes Brahms: Quatuor pour piano et cordes No.1 en sol mineur
Orchestration par Arnold Schönberg
Marseille, le 22 novembre 2014
Dans cette salle du Silo, peu adaptée à une atmosphère de musique classique, un concert était proposé ce soir. Le programme, un peu étrange dans sa composition allait toutefois nous donner l’occasion et le plaisir d’écouter deux solistes de l’orchestre : Alain Geng, dans le concerto pour clarinette d’Herbert Willi, et Da-Min Kim, avec le concerto pour violon No2 de Darius Milhaud. Karen Kamensek, américaine et directeur musical du Staatstheater de Hanovre était à la baguette. Le concert débutait avec l’ouverture des noces de Figaro. Une ouverture choisie en accord avec la FIM, pour une semaine de manifestation pour la défense des orchestres dans le monde, et pour que vivent les théâtres d’opéra et qu’ils conservent leurs cadres des choeurs et leurs orchestres, les corps de ballet ayant déjà disparu dans de nombreux théâtres. Jouée avec netteté dans un bon tempo, cette ouverture dirigée sans baguette avec des gestes trop souples, manque de relief et fait peu ressortir le pétillant de l’écriture. Mais du relief, nous allions en avoir avec l’oeuvre d’Herbert Willi écrite pour clarinette et orchestre. Ce compositeur autrichien contemporain, a déjà composé 1 opéra, et de nombreuses oeuvres pour orchestre, instruments solistes et musique de chambre, jouées de par le monde. Avec ce concerto, créé au Festival de Salzbourg en 2006 et de conception tout à fait originale, Herbert Willi se sert de la clarinette pour nous entraîner sur les pas d’un soliste essayant de se faire entendre, seul tout d’abord, puis emportant l’orchestre dans les émotions de la vie pour revenir à la solitude du début et finir dans un souffle. Originale donc, cette composition commence par une cadence écrite comme une improvisation et finit par sa reprise plus courte, jouée en réminiscence. Trois mouvements aux influences diverses qui font penser au concerto pour clarinette d’Aaron copland, à l’Amérique de George Gershwin et de Leonard Bernstein, ou aux tenues
d’Olivier Messiaen. Tempo de valse, rythmes du ragtime, accords jazzy, donnent du relief à cette oeuvre qui s’écoute avec plaisir. Face à un orchestre fourni qui fait ressortir ses instruments, trompette, cor, basson, accordéon, Alain Geng, clarinettiste soliste de l’Orchestre Philharmonique, investit cette composition. Seul d’abord dans cette longue cadence, il s’impose et se joue des difficultés pour nous offrir toutes les possibilités de cet instrument, des sonorités les plus suaves aux sons tendus, des longues tenues aux prouesses pyrotechniques. mais en plus de la virtuosité qui éclate tout au long de la partition, la sensibilité et la musicalité du soliste se font sentir dans des notes délicates ou des sons longs aux pianissimi infinis. Avec un staccato précis, et de belles longueurs de souffle pour les phrases musicales, le soliste défend cette oeuvre d’une grande difficulté dans un investissement de chaque note. Dentelles techniques et nostalgie terminent ce concerto découvert avec plaisir et interprété avec virtuosité par un soliste habité. Le concerto pour violon No2 de Darius Milhaud, terminait la première partie de ce concert. Né à Marseille en 1892, le compositeur quittera en 1940 la France occupée, et passera quelques années en Amériques. Ce concerto en trois mouvements, dédié au violoniste québécois Arthur Leblanc, et créé à Paris en 1948, est écrit, selon les musicologues, en parties qui se distinguent par leur forme : sonate, lied et rondo. Il subit des influences, celle de Korngold peut-être avec ses musiques de films, ou d’autres plus typiquement américaines, pour revenir après ces atmosphères lourdes qui font référence à l’exil et aux années tragiques, au folklore provençal avec l’espoir d’un retour vers le pays natal. Pour défendre cette oeuvre d’un compositeur très français, le jeune violoniste sud-coréen de 24 ans Da-Min Kim super soliste de l’Orchestre Philharmonique, qui fait preuve d’une maturité et d’une compréhension musicale étonnantes malgré son jeune âge. Avec une tenue impeccable et sans geste inutile, il s’impose dès le premier coup d’archet. Jouant sur un violon Giuseppe Peluzzi de 1882, il va en tirer des sons d’une pureté rare. Souvent jouées sur les cordes aigües et dans des positions hautes, les notes resteront claires et moelleuses jusque dans leurs harmoniques. Il fait sonner son violon avec une grande maîtrise tout en faisant ressortir la musicalité et les diverses atmosphères contenues dans ce concerto haut en couleurs. Son vibrato mesuré et intense donne aux sonorités une chaleur particulière, avec une sûreté de main gauche qui n’exclut pas un jeu clair et perlé. Ce concerto, d’une écriture moderne sans trop de dissonances, est joué ici avec élégance et raffinement, donnant une continuité au dialogue avec l’orchestre. Si sa main gauche est d’une sûreté absolue, sa technique d’archet est elle aussi sans faille, contrôlant sa vitesse selon les besoins pour un crescendo ou un jettato au talon. L’orchestre, solide, lui donne toute liberté pour interpréter une danse finale brillante aux rythmes ancrés dans le sol. Une interprétation magistrale, qui pourrait nous faire croire que le violon est un instrument facile à jouer… Pour ce public plus que chaleureux, Da-Min Kim, interprète pour terminer, La danse rustique, de la 5ème sonate d’Eugène Ysaÿe, avec des accords pleins et sonores et une grande recherche dans les nuances. Musicalité et technique ébouriffante étaient encore au rendez-vous. En deuxième partie de ce concert, l’orchestre interprétait le quatuor No1 avec piano de Johannes Brahms, dans une transcription pour orchestre d’Arnold Schönberg datant de 1937. Ce compositeur, qui aimait beaucoup Brahms et le trouvait novateur, avait décidé cette orchestration afin d’entendre les diverses phrases musicales sans la lourdeur du piano souvent trop fort. Si Arnold Schönberg se fait plaisir en remaniant cette partition, alors qu’il semblait à cette époque revenir vers des compositions plus tonales, on peut se questionner sur le bien fondé de cette démarche. Cette orchestration trop fournie et trop lourde pour donner une juste idée de l’oeuvre originale, enlève toute légèreté sans apporter plus d’intensité ou d’émotion. Dirigée sans subtilité et sans grande recherche dans les nuances, on a du mal à retrouver dans cette interprétation la rondeur et la qualité de son que l’orchestre possède, et l’on peut se poser la question, est-ce bien le même orchestre que nous avons entendu le mois dernier dans ” Moïse et Pharaon “ dirigé par Paolo Arrivabeni ? Quelques phrases musicales jouées au quatuor ressortent ici sans aboutir à une continuité de musicalité ou de tension. Karen Kamensek n’est pas arrivée à trouver la voie qui pourrait donner une unité à cette orchestration ; trop fort et manquant de légèreté. Nous ne pensons pas comme Arnold Schönberg qui disait que Johannes Brahms serait certainement allé dans cette direction s’il avait dû orchestrer cette pièce de musique de chambre. Si le chef dirige sans grande motivation avec des attaques peu nettes, nous devons dire à sa décharge, qu’il paraît difficile de faire ressortir le génie de Brahms dans cette transcription. Alors, pourquoi ressortir cette partition du placard, alors que tant d’oeuvres de ce compositeur seraient écoutées avec délectation ? Un concert qui n’a de valeur que par sa première partie, avec des compositions originales, interprétées par des solistes de haut niveau qui font ressortir le potentiel souvent bien exploité de cet orchestre.