Festival de Pâques d’Aix-en-Provence 2014, Cathédrale Saint Sauveur
Ensemble Pygmalion
Direction Raphaël Pichon
Alto Renaud Capuçon, Gérard Caussé
Violoncelle Edgar Moreau, Victor Julien-Laferrière
Contrebasse Alois Posch
Piano David Kadouch
Johannes Brahms: Warum ist das Licht gegeben dem Mühseligen, opus 74 à 6. Voix mixtes.
Felix Mendelssohn: Mitten wir im Leben sind à 8 voix; Richte mich Gott à 6 vooix.
Johannes Brahms: Fest und Gedenksprüche, opus 109 à double choeur.
Franz Schubert: Gott ist mein Hirt, Psaume XXIII, Ständchen, Coronach, Gesang der Geist über den Wassern
Johannes Brahms:Geistliches Lied
Aix-en-Provence, 25 avril 2014
Le Festival de Pâques, nous conviait ce soir encore à une belle soirée d’émotions, consacrée à la musique allemande du XIX ème siècle. Ce concert, différent des autres écoutés jusqu’ici, se tenait dans un cadre somptueux : la Cathédrale Saint Sauveur d’Aix-en-Provence. Située sur l’ancienne Via Aurelia, cette Cathédrale, dont l’intérieur majestueux se prête à la musique vocale, est composée d’édifices de diverses époques. Installés devant le choeur, dont les peintures font penser à celles de la Sainte Chapelle, nous nous laissons porter par les voix de cet ensemble fondé en 2006 par son chef Raphaël Pichon. Musique sacrée en première partie, motets et psaumes, de Johannes Brahms et Felix Mendelssohn.
” Warum ist das ” ( Pourquoi la lumière..), pour voix mixtes de Johannes Brahms débutait ce concert. Ce motet, le plus beau du compositeur peut-être, est chanté avec beaucoup d’homogénéité, à la manière baroque, sans trop de vibrato dans les voix. Raphaël Pichon dirige, ou plutôt modèle les voix de ses mains souples et expressives, tout en gardant la netteté et la fermeté nécessaires pour des attaques ensemble, où aucune raideur, aucune rudesse ne se feront jamais sentir.
Il monte ou descend ses nuances avec mesure, tout en conservant la rondeur des voix dans les passages puissants, et chaque partie se détache sans dominer. Les voix célestes des soprani s’appuient sur celles des basses, venues de la terre pour s’élever sous les voûtes de la Cathédrale et, comme le son d’un seul instrument, les voix s’éteignent dans un superbe piano.
Le psaume Mitten Wir im Leben ind à 8 voix, de Felix Mendelssohn, faisait entendre les voix séparées des hommes et des femmes dans des harmonies plus joyeuses ; les voix se font plus puissantes dans des tutti généreux, s’enchaînant et se mêlant avec justesse et beaucoup de lié dans un tempo sans traîner, ce qui donne le côté optimiste à cette oeuvre. La délicatesse des attaques dans le son montre le travail artistique effectué sur les voix.
Richte mich Gott, à 6 voix, toujours de Felix Mendelssohn, est chanté dans un tempo plus vif, plus présent, plus terrestre, où chaque voix passe et se fait entendre dans un mélange sonore. Les attaques posées avec le chef respirent et donnent une sensation de pureté. Pour terminer cette première partie, Fest und Gedenksprüche, pour double choeur de Johannes Brahms, est écrit dans des tessitures plus hautes. Il est composé d’une manière plus fournie, plus fouillée, avec certains rythmes qui, comme un léger canon, appelle les voix des deux choeurs à se répondre et à se chevaucher dans un bel ensemble. On regrette simplement que les voix des soprani ne soient pas toujours homogènes et laissent parfois percer une individualité.
La seconde partie était consacrée à de la musique profane et faisait appel à des instruments solistes : 1 piano, 2 altos, 2 violoncelles et 1 contrebasse.
Franz Schubert compose des oeuvres souvent écrites par amitié, ou qui font suite à des commandes, avec quelques incursions dans le spirituel. Ces trois premières pièces sont accompagnées par le piano, la dernière introduira les cordes.
David Kadouch doit mesurer sa façon de jouer dans cette Cathédrale où la réverbération peut-être intense. Son jeu perlé et délicat est quelquefois couvert par les voix, mais il arrive à se faire entendre pour un accompagnement adapté, avec des passages plus solistes. Dans le Ständchen, un dialogue s’installe dans un tempo, allant et joyeux, avec la mezzo soprano soliste au timbre velouté et le choeur, dans des nuances délicates. Dans le Coronach, le pianiste peut enfin laisser sonner son piano dans les graves, avant de devenir concertant avec les voix.
C’est Franz Schubert qui nous donne l’occasion de profiter de la belle sonorité d’un quintette à corde très peu traditionnel, où deux altistes, Renaud Capuçon ( pour une fois à l’alto ) et Gérard Caussé se répondent, où le contrebassiste Alois Posch, peut faire résonner le son grave de son instrument que l’on a rarement l’occasion d’entendre dans une telle formation, et où Edgar Moreau
et Victor Julien- Laferrière, font entendre le violoncelle dans des rythmes qui soutiennent les basses. Très bien écrite pour un choeur d’hommes, cette pièce est à elle seule une pièce indépendante. Retour à Johannes Brahms avec son Geistliches Lied, qui fait encore remarquer Raphaël Pichon pour le superbe travail et la recherche faite sur les sonorités et les attaques, et où la musicalité est présente jusque dans les soupirs. Pour remercier un public enthousiaste et plus que chaleureux, l’ensemble Pygamalion nous offre en bis, un Ave Maria d’Anton Bruckner, pour nous faire souvenir que ce compositeur remarquable, n’a pas écrit que des symphonies monumentales. C’est finir en beauté, un concert placé sous le signe de musiques, qui sans être toutes sacrées ou spirituelles, élèvent l’âme et donnent une envie d’absolu. Encore une belle réussite pour ce Festival. Photo Caroline Doutre