Marseille, Opéra Municipal, Saison de concerts 2013/2014
Orchestre philharmonique de Marseille
Direction musicale Adrian Prabava
Wolfgang Amadeus Mozart: Symphonie n° 35 en ré majeur « Haffner »
Gustav Mahler: Symphonie n°5 en ut dièse mineur
Marseille, 12 Janvier 2013
En ce début d’année, l’Opéra de Marseille avait invité le chef d’orchestre indonésien Adrian Prabava pour diriger l’un des premiers concerts symphoniques de l’année 2014. Deux symphonies étaient au programme, la 35ème symphonie de Wolfgang Amadeus Mozart dite “ Haffner “ et la monumentale symphonie No 5 de Gustav Mahler.
Ces deux compositeurs si différents allaient permettre au Maestro de donner toute la mesure de son talent. Né à Jakarta en 1972, Adrian Prabava peut encore être considéré comme un jeune chef d’orchestre. Ses origines asiatiques ne l’empêchent pas de se tourner très tôt vers la musique classique occidentale en commençant l’étude du violon en Allemagne, au conservatoire de Detmold. Attiré par l’orchestre, il prend à Hanovre des cours de direction d’orchestre qui le conduiront à se présenter au concours International des jeunes chefs d’orchestre de Besançon.
Remarqué par de grands chefs, il devient successivement assistant de Kurt Masur, à l’Orchestre National de France à Paris, puis de Bernard Haitink, au Koninklijk Concertgebouworkest d’Amsterdam. Après l’Opéra Philharmonique de Thuringe où lui est confiée la direction du lyrique, du symphonique et des ballets, il est appelé à diriger les grands orchestres européens.
Les musiciens de l’Orchestre Philharmonique de Marseille qui l’avaient déjà apprécié lors d’un concert donné en 2011 au Grand Théâtre de Provence, reprenaient avec un réel plaisir leur collaboration.
Composée un peu à contrecoeur par un Mozart qui n’avait que peu d’envie d’honorer la commande de Sigmund Haffner, cette 35ème symphonie n’atteint pas les sommets de sa symphonie No 40. Avec des gestes élégants, Adrian Prabava, nous fait entendre une version musclée et dynamique de cette oeuvre inégale.
Les différents mouvements, tout en gardant leur caractère propre, sont joués avec une ligne musicale qui donne une unité à toute la symphonie. Sous la baguette de ce jeune chef, l’orchestre sonne tout en gardant une belle rondeur de son, les attaques sont nettes et les archets précis dans un staccato joué avec légèreté. Les timbales résonnent et l’harmonie se fond dans les sonorités du quatuor. Le final ” brillantissime “, est joué sans économie, dans un tempo rapide et soutenu avec des oppositions de nuances très prononcées. Un Maestro efficace aux gestes amples, suivi par un orchestre en grande forme qui fait montre de souplesse et d’une grande musicalité. Dans cette salle du Silo réhabilité, où tout n’est que béton et armatures métalliques, Adrian Prabava a su créer une atmosphère mozartienne dans un lieu qui ne s’y prête guère.
La deuxième partie de ce concert était consacrée à la 5ème symphonie de Gustav Mahler. Ces deux symphonies, tout à fait différentes ont comme point commun d’avoir été composées juste après le mariage des deux compositeurs.
Jouée pour la première fois à Cologne par l’Orchestre Philharmonique de Cologne et dirigée par le compositeur, cette symphonie n’obtient qu’un succès mitigé. Elle sera rendue célèbre grâce à Luchino Visconti, qui utilisera l’Adagietto pour la musique de son film Mort à Venise, sorti en 1971. Mais l’Adagietto, n’est pas le seul intérêt de cette longue symphonie, elle met à l’honneur tous les pupitres de l’harmonie et leurs solistes, les faisant dialoguer dans des harmonies qui ” se frottent ” tout en gardant un lien entre les mouvements. Tourmenté par la mort qu’il vient de frôler, Gustav Mahler commence sa symphonie, de manière étrange, une marche funèbre à l’atmosphère lourde, introduite par l’éclat des trompettes. Les sonorités sont bien dosées et tout de suite, des réminiscences nostalgiques puis les ” flonflons ” de la fête permettent à la petite harmonie de se déchaîner sur des notes aiguës, clarinettes et hautbois jouant pavillons relevés, on sent une envie de sortir du carcan des traditions.
Adrian Prabava est un chef d’orchestre original qui se sert de l’écriture du compositeur pour faire entendre chaque instrument et mettre en valeur chaque instrumentiste, il joue les couleurs et les oppositions de nuances en les affirmant, les confirmant même à plusieurs reprises, mais comme dans la symphonie de Mozart, il privilégie le son dans chaque registre. Plus qu’une direction c’est une interprétation, jamais superficielle, mais venue du plus profond de l’être donnant aux sonorités un éclat et un rayonnement spectaculaires.
Cédant à la tradition, le cor solo joue debout pendant le 3ème mouvement, l’on peut apprécier le son remarquablement velouté venu directement, et le dialogue s’installe avec chaque instrument de la petite harmonie. Quelques dissonances, des temps suspendus pour ces valses lentes, ne sommes-nous pas à Vienne? Comme toujours avec Gustav Mahler, les oppositions arrivent subitement, mais Adrian Pravaba sait changer les atmosphères avec délicatesse, sans brutalité et c’est avec une grande douceur qu’il dirige cet Adagietto dans un tempo large mais sans lenteur, jouant les notes au fond des temps pour faire sonner les harmonies des cordes et de la harpe; c’est un grand moment d’émotion qui fait place à la réalité et à la gaité du 5ème mouvement pour finir dans un feu d’artifice où couleurs et rythmes se disputent le vedette sur un ciel incandescent, éclats et nostalgie. Un tonnerre d’applaudissements saluent ce chef d’orchestre qui nous a donné une interprétation exceptionnelle de cette symphonie, suivi par un orchestre galvanisé. Un immense bravo.