Toulon, 22 octobre 2013
Considéré comme un grand mélodiste, Bellini nous livre ici un ouvrage où se côtoient des airs qui mettent en valeur chaque interprète et une partition orchestrale qui n’a pas été écrite uniquement pour servir les voix. Bien que souvent utilisé pour soutenir les chanteurs dans les récitatifs, l’orchestre prend toute sa place dès l’ouverture jouée avec maestria.
Massimo Gasparon signe ici la mise en scène mais aussi les décors, les costumes et les lumières.
Le metteur en scène fait-il une relecture? Pas vraiment. Respectant le livret, Il nous donne son point de vue en début de programme et nous explique pourquoi il a voulu mettre en parallèle les druides et le bouddhisme tibétain mélangeant philosophie, religions et chamanisme car dit-il, ils ont des bases communes. Visuellement il affiche les symboles, le chêne, le signe du Yin et du Yang, la représentation de Kali la déesse Hindoue tout en gardant l’Aigle romaine, représentant le pouvoir en place, mais aussi la force guerrière.
L’originalité vient des costumes, les druides étant transformés en moines tibétains qui défilent vêtus de leurs tuniques rouges portant les coiffes jaunes ou rouges selon l’ordre auquel ils appartiennent. Mais son propos n’est en aucune façon dérangeant.
Les mouvements des chanteurs sont bien réglés et les lumières sont du plus bel effet. Sans doute la couleur mauve choisie pour les costumes des guerriers romains est-elle assez étrange mais la première surprise passée, on n’y pense plus.
Un contre-jour bleuté nous fait découvrir un péristyle de colonnes blanches entourant le grand arbre sacré stylisé. Le décor est épuré et le restera. On sent poindre sous le décorateur le diplômé en architecture. Une certaine structure soutient cet ouvrage aussi bien sur la scène que dans la fosse d’orchestre et les jolis tableaux se succèdent pour arriver à l’embrasement qui enflamme aussi la statue de la déesse destructrice Hindoue lorsque la guerre est déclarée.
Les lumières sont vivifiantes et en rapport avec la lecture de l’ouvrage qui reste intimiste, les interventions du choeur étant peu nombreuses.
Peut-être aimerait-on des chanteurs plus investis dans leur jeu, ce qui donnerait un peu plus de poids à leur personnage et plus d’expression à la voix. Ceci dit, le plateau est assez homogène et nous assistons à une représentation de qualité. Hiromi Omura, sans être une immense Norma, nous fait vivre de beaux moments musicaux.
Malgré quelques inégalités elle aborde ce rôle, l’un des plus difficiles du répertoire, avec force et musicalité. C’est une apparition toute de blanc vêtue qui chante d’une voix assurée ce “Casta Diva” toujours très attendu faisant ressortir sa musicalité dans le duo avec la flûte. Mais si cet air est le plus connu, il n’est pas le seul et nous pouvons apprécier la qualité de sa voix tout au long de l’ouvrage, médium au timbre agréable, vocalises faciles et aigus assurés, certains plus beaux que d’autres.
Son sens du dramatique lui permet aussi de s’affirmer dans les duos et trios avec Pollione et Adalgisa qui nous procurent de belles émotions.
Stella Grigorian est une belle Adalgisa à la voix chaude de mezzo-soprano. Elle assure chaque note avec une grande homogénéité dans chaque registre et ses vocalises traversent les octaves avec agilité faisant preuve d’une belle technique.
On apprécie sa bonne diction et son investissement qui donnent à son personnage une certaine dimension. De beaux duos avec Pollione ou Norma font ressortir sa musicalité et la souplesse de sa voix.
Marie Karall mezzo-soprano chante Clotilde avec beaucoup d’assurance et de beaux graves. Toujours en place et bien jouées, ses interventions sont remarquées et appréciées.
Giuseppe Gipali malgré un refroidissement a tenu à assurer la représentation. Sa voix, toujours juste et bien placée manquait toutefois de force et d’ampleur, mais sa grande musicalité et sa belle technique ont permis de nous faire entendre tout au long de l’ouvrage, les beaux airs de ce rôle. Taras Shtonda est un Oroveso puissant à la belle prestance mais au jeu un peu trop statique avec une bonne projection et un souffle qui lui permet de belles tenues. Sa voix reste toutefois un peu étouffée dans les aigus, mais ses graves résonnent et le font apprécier. Guillaume François chante Flavio avec une voix sans grande ampleur mais agréable et d’une grande justesse.
Sous la baguette de son chef d’orchestre Giuliano Carella, l’orchestre de l’Opéra de Toulon fait ici une prestation de grande qualité faisant montre de beaucoup de souplesse et de musicalité. Le Maestro dirige avec énergie et autorité tenant son orchestre dans des tempi enlevés tout en faisant ressortir les moments sensibles ou dramatiques. On remarque les sonorités et l’homogénéité des cordes qui savent se faire entendre sans jamais couvrir les chanteurs. Le choeur est aussi très apprécié rendant chaque intervention vivante, musicale avec des voix qui s’harmonisent donnant un bel impact sonore. Une représentation très applaudie dont on se souviendra autant pour son interprétation que pour la mise en scène colorée et d’une grande lisibilité.