Opéra seria en deux actes.
Musique de Wolfgang Amadeus Mozart.
Vitellia Teresa Romano
Sesto Kate Aldrich
Servilia Clémence Barrabé
Annio Christine Tocci
Tito Paolo Fanale
Publio Joseph Wagner.
Coproduction d’Aix-en-Provence / Théâtre du Capitole de Toulouse / Opéra de Marseille
Direction musicale: Mark Shanahan
Mise en scène: David Mc Vicar
Réalisation mise en scène: Marie Lambert
Décors:Bettina Neuhaus et David Mc Vicar
Costumes: Jenny Tiramani
Lumières: Jennifer Tipton
Réalisation Lumières: John Torres
Chorégraphie: David Greeves
Marseille, 10 mai 2013
La Clemence de Titus a enthousiasmé hier soir le public marseillais. Cet opéra qui a connu une longue éclipse au XIXe siècle, est repris depuis de nombreuses années avec plus ou moins de succès. Mais ici, le succès était au rendez-vous.
Commandé pour le couronnement de l’empereur Léopold II comme roi de Bohême, cet opéra est créé au Théâtre National de Prague en 1791. Certains pensent que cet opéra est composé dans l’urgence en trois semaines, mais à bien y regarder, cela semble moins sûr et sans doute Mozart y pensait-il depuis un certain temps si l’on se réfère à l’air de Vitellia ” Non piu di fiori “ qui aurait été chanté au cours d’un récital quelques mois avant que ne soit passée la commande officielle. Cet ultime opéra seria n’a certes pas l’impact dramatique de ” Don Juan “ mais le sujet répond aux solennités du couronnement et correspond au caractère de Léopold II qui voulait être un empereur juste et bon.
Pour W. A. Mozart qui est en train de composer ” La Flûte enchantée “ cet opéra reste dans le parcours initiatique où cheminent l’amour et l’amitié surmontant les écueils pour enfin parvenir au pardon.
Avec de très nombreux récitatifs et un sujet sans grande passion l’ouvrage pourrait être ennuyeux, il ne l’est pas et le public ne s’est pas trompé en l’acclamant.
C’est la production donnée en 2011 au Festival d’Aix-en-Provence, fort décriée alors qui est reprise ici, légèrement remaniée.
Le décor unique mais avec des murs mobiles, assez imposant, reprend en fond de scène la façade du théâtre de l’Archevêché, ce qui semble autoriser des costumes fin XVIIIème siècle. un peu surprenants au début on les oublie ensuite, regrettant tout de même que tout le monde soit vêtu de noir, les dames du choeur portant des perruques aux cheveux courts dignes des ” Dialogues des Carmélites “. Une exception est faite pour Titus et Servilia dont les costumes blancs évoquent sans doute la pureté de leurs sentiments. Mais tout ceci passe au second plan et l’on ne recherche plus la véracité d’une époque, le reste étant cohérent et d’une sobriété parfaite. les murs mobiles créent l’espace et le mouvement et l’on peut ainsi passer des scènes plus intimes à l’arrivée de la foule venue rendre grâce pour le salut de l’empereur. Un escalier monumental symbolise aussi bien la montée vers le pouvoir que les gradins de l’amphithéâtre. Les lumières privilégient les contre-jours et les demi-teintes, laissant les sentiments et les comploteurs dans la pénombre, le rougeoiement du Capitole en flammes est discret mais évocateur et tout ceci crée un climat où chacun se retrouve seul avec ses propres doutes. Quelques clins-d’oeil au pouvoir dont on pourrait se passer, tel le long manteau de l’empereur Titus qui fait penser à celui que portait Napoléon le jour de son sacre et que Titus finit par porter enroulé dans ses bras comme un fardeau. Petits détails qui ne terniront pas l’ensemble d’une représentation très réussie. La chorégraphie mettant en scène la garde prétorienne n’apporte rien non plus à la compréhension du spectacle si ce n’est le fait d’animer la scène et de participer à la beauté de certains tableaux. Malgré le jeu des chanteurs dépouillé de tout artifice, les impressions restent fortes et l’on quitte la salle empreints d’une certaine sérénité. L’emploie de castrats était encore en vogue à l’époque où Mozart composa son opéra et les rôles de Sesto et d’Annio sont ici chantés par deux mezzo-soprano.
C’est donc la mezzo-soprano américaine Kate Aldrich qui chante le rôle de Sesto. Très investie, elle prend dès le début la mesure de son personnage qu’elle rend tout à fait crédible. Elle joue avec sobriété tout en faisant passer ses émotions bien qu’on la sente plus indécise que passionnée. sa voix homogène garde sa couleur jusque dans les graves et l’on apprécie sa souplesse dans le duo qu’elle forme avec la clarinette dans un pur style mozartien avec des vocalises en pleine liberté.
L’autre mezzo-soprano qui interprète un rôle d’homme est Christine Tocci qui chante ici Annio. Un joli style, une belle diction, un jeu sobre, elle chante avec délicatesse et musicalité adaptant sa voix à celle de Sesto pour un duo de charme et d’amitié. Aussi bien dans ses Airs que dans les récitatifs, elle anime la scène par sa vitalité. Servilia Chanté par la soprano Clémence Barrabé amène un peu de fraîcheur au milieu des intrigues. La voix est claire et percutante malgré un vibrato un peu serré pour cette écriture somme toute assez haute. Elle joue avec justesse et spontanéité marquant de sa personnalité ce rôle assez court.
Face à Sesto, une Vitellia manipulatrice. Ce rôle requiert une voix au registre très étendu et souffre souvent d’un manque de graves. Ici, la soprano Teresa Romano possède cette couleur qui rend ses graves ronds et timbrés. Sa voix est puissante mais certains aigus un peu tonitruants lui font perdre ce style épuré spécial à toute musique de Mozart. Elle s’exprime mieux dans les moments de colère où sa voix prend toute sa dimension. Son profil de médaille et sa belle présence donne a son personnage sa force et sa détermination car c’est d’elle que part tout le drame. On la sent plus à l’aise dans son air “Non piu di fiori ” du deuxième acte où l’on peut apprécier sa musicalité avec des graves d’une belle rondeur qui se fondent avec la sonorité du cor de basset.
Un ténor et un baryton sont les seules voix d’hommes de l’ouvrage. C’est le ténor italien Paolo Fanale qui chante le rôle de Tito pris entre ses doutes, ses désirs de clémence et son indécision. Il chante avec délicatesse faisant ressortir ses sentiments dans chacun de ses Airs. Son personnage est joué avec justesse, chanté dans un pur style mozartien. Sans être une grande voix, il possède un timbre agréable et homogène dans chaque registre. Ses vocalises sont souples et délicates et ses nuances amenées avec justesse. Loin du pouvoir sévère, c’est un empereur très humain qui capte l’attention jusque dans les nombreux récitatifs.
Seule voix vraiment virile de l’ouvrage, la voix large du baryton-basse Josef Wagner qui incarne Publio. Il possède un timbre chaleureux qui résonne sans dureté. Il maîtrise sa puissance et conserve sa couleur dans chaque registre et s’impose sans dominer.
Le choeur n’est pas mis en valeur par la mise en scène , mais dans cet ouvrage encore il saura se faire remarquer par sa très bonne tenue, des attaques franches et précises avec un ensemble de voix très homogènes sachant se mettre au service du compositeur.
Une représentation de grande qualité dirigée par le chef d’orchestre Mark Shanahan manquant quelquefois de netteté et de mordant dans sa direction mais avec des tempi qui évitent tout ennui.Une mention spéciale au pupitre de clarinette et cor de basset pour des soli très mozartiens alliant légèreté et musicalité, ainsi que pour l’accompagnement des récitatifs joué par Brigitte Grosse.Un opéra de Mozart qui mérite d’être sorti de l’oubli et qui a enthousiasmé une salle comble par une qualité de grand niveau. Photo Christian Dresse