Marsiglia, Théatre dell’Opéra – Stagione Lirica 2012/2013
“L’ITALIANA IN ALGERI”
Dramma giocoso in due atti su libretto di Angelo Anelli
Musica di Gioachino Rossini
Mustafà ALEX ESPOSITO
Elvira EDUARDA MELO
Zulma CAROL GARCÍA
Haly PATRICK DELCOUR
Lindoro FRÉDÉRIC ANTOUN
Isabella MARIE-ANGE TODOROVITCH
Taddeo MARC BARRARD
Orchestra e Coro de l’Opéra de Marseille
Direttore Giuliano Carella
Regia e costumi Nicola Berloffa
Scene Rifail Ajdarpasic
Luci Gianluca Antolini
Marsiglia, 4 gennaio 2013
De nombreux écrivains et compositeurs avaient mis à la mode les “Turqueries” qui réjouissaient le public avide d’amusements.
Gioacchino Rossini s’en inspirera à plusieurs reprises.Connu pour sa rapidité d’écriture,ce ne sont pas moins de 4 opéras que Rossini composera en cette année 1813 et en deux cents ans cette Italienne n’a pas pris une ride. Cet opéra écrit et monté en mois d’un moi,ce qui paraît inconcevable de nos jours,est créé à Venise le 22 mars 1813. C’est un divertissement,une fable qui laisse libre cours à toutes les fantaisies.
Cette coproduction opéra d’Avignon, opéra de Marseille a pris naissance dans l’atelier des décors de Marseille; ceux-ci sont confiés à Rifail Ajdarpasic qui interprète le palais du Bey avec beaucoup de fantaisie et d’imagination tout en donnant une lecture assez classique de l’oeuvre. Les couleurs bleu touareg du début nous transportent à Sidi Bou Saïd.Certes ce n’est pas Alger mais on n’en est pas loin,et la façade du palais aux balcons de style mauresque nous met tout de suite dans l’ambiance.
Les détails baroques dans leur diversité et de bon goût, sont là pour divertir et enlever toute notion de sérieux,les petits palmiers dorés,le gros abat-jour qui tient lieu de lustre et chaque pièce du palais qui arrive grâce au décor tournant que l’on déplace à vue sont des illustration de conte. C’est bien imaginé et cette oeuvre qui peut vite tourner à la farce reste ici dans les limites de l’amusement. Les couleurs sont vives mais sans clinquant,même le rouge du bureau du Bey donne une allure de cabinet de curiosités avec ses trophées africains accrochés aux murs et ses jalousies en moucharabieh. Quelques guirlandes colorées dans la cuisine pour la scène du “Pappataci” donnent un air de fête et c’est le coeur joyeux que l’on quittera la salle.
Les costumes,comme les décors conçus à Marseille certains en Avignon,sont jolis à regarder,sans aucun rapport les uns avec les autres,mais très bien faits et surtout seyants aussi bien pour les femmes que pour les hommes avec un grand souci des détails. C’est un feu d’artifice de couleurs et de notes. L’on chante,l’on bouge sans un temps de repos mais aussi sans jamais essouffler le public. Il faut dire que le tempo est donné par un chef d’orchestre en grande forme qui dirige une musique qui lui convient tout particulièrement avec un orchestre qu’il connaît bien et qui le suit avec enthousiasme. Giuliano Carella est un chef qui ne laisse jamais retomber la tension et tout le monde le suit…..à la baguette. Et suivre Rossini n’est pas une mince affaire. Le tempo,les notes mais surtout les paroles peuvent facilement être décalés;mais non,ici rien de tel,les tempi soutenus emporta le public.
Dès l’ouverture un rien mystérieuse avec ses pizzicati aux cordes et ses soli de hautbois et de clarinette,on sent que Rossini est à la fête et que rien ne peut plus nous empêcher d’être heureux. Le seul reproche que je pourrais faire aux décors c’est d’être placés un peu trop en avant-scène ce qui enlève de la profondeur et rétrécit un peu le champ d’action,mais l’on s’y fait et l’on voit la pièce de façon un peu plus intimiste avec des lumières qui participent à cet effet.
L’arrivée d’Isabella dans une malle de voyage fait partie de ces clins d’oeil à une époque où les voyages étaient une aventure et les chanteurs en particulièrement pétillants font participer les spectateurs à la bonne humeur qui règne sur la scène.
Marie-Ange Todorovitch qui chante Isabella excelle dans les rôles de composition et son jeu juste et drôle sans exagération fait passer certaines faiblesses vocales dans les graves,un peu trop appuyés et dont les sons manquent de projection mais sa voix est puissante, homogène dans le médium avec des aigus assurés. Elle chante avec intelligence et brio et participe grandement au succès de cette production. Eduarda Melo qui interprète Elvira fait de ce second rôle un rôle clé. Amusante jusque dans ses pleurs,elle apporte fraîcheur et spontanéité aussi bien par son jeu que par sa voix. Ses aigus purs se font entendre aussi dans les ensembles qui sont toujours d’une grande justesse. Carol Garcia qui chante Zulma a une voix grave bien timbrée que l’on écoute avec plaisir et qui participe à l’équilibre vocal des ensembles.Ses costumes qui vont de la “mama”martiniquaise à la “babouchka” russe n’ont qu’un seul but,séduire. Il en est de même pour les costumes de Taddeo chanté par Marc Barrard,et il est inutile de chercher pourquoi l’habit du “Kaïmakan”est une robe à crinoline ni pourquoi son costume de voyage est un grand manteau à col de fourrure,c’est sans importance.Il porte tout ceci très bien et donne à son personnage humour et drôlerie tout en chantant avec justesse dans chaque registre avec une voix d’une grande homogénéité. Patrick Delcour est un Haly à la belle prestance mais on le sent un peu moins à l’aise dans la musique de Rossini où il manque peut être d’un peu de légèreté.
Le ténor canadien Frédéric Autoun qui interprète ici Lindoro est un partenaire de choix. Depuis son passage à Marseille où il chantait le rôle du Prince dans “Cendrillon”l’opéra de Jules Massenet,sa présence sur scène s’est affirmée. Il joue avec aisance et drôlerie et sa voix toujours aussi agréable a gagné en puissance. Ses “contre ut” paraissent faciles et il vocalise avec souplesse et légèreté; ses nuances piani dans le souffle arrivent à des demi-teintes d’une grande musicalité.
Alex Esposito qui chante le rôle de Mustapha est considéré actuellement comme une voix rossinienne incontournable.Il donne ici,une interprétation tout à fait remarquable sur le plan vocal mais aussi sur le plan scénique.Il est drôle de bout en bout de l’ouvrage. Il apparaît vêtu d’un pyjama porté sous une large cape verte avec ajout de peau de panthère faisant penser à un prince de conte pour enfants.Le ton est donné,ici rien de sérieux,et il ne se départira pas de l’air benêt donné à son personnage ponctué par quelques colères d’enfant gâté.Tout ceci dans un mouvement scénique qui suit le tempo . Côté vocal une grande assurance,sa voix profonde et puissante résone dans chaque registre et chaque parole est articulée avec une diction parfaite. Le duo de l’acte I qu’il chante avec Lindoro est un beau moment de musicalité et d’équilibre. Il vocalise avec facilité aussi bien dans l’aigu que dans les graves tout en projetant chaque note. Aussi à l’aise lorsqu’il chante seul qu’avec ses partenaires il est un Mustapha de grande envergure. Rossini n’ayant écrit que pour un choeur d’hommes,le metteur en scène Nicola Berloffa a imaginé de les costumer en pantalons sarouels,lunettes de soleil et chaussures à talons pour un clin d’oeil au harem.Si tous les chanteurs sont bien dirigés dans une mise en scène spirituelle et vive les choristes sont un peu statiques et sous employés mais bien préparés et en forme ils sont ici remarqués pour les belles attaques et l’homogénéité des voix avec un investissement de chacun,soutenus par un chef d’orchestre efficace qui donne avec le concours de Gioacchino Rossini une “Italienne à Alger” très réussie.