Marsiglia, Théatre Municipal dell’Opéra, Stagione Lirica 2012
“POLIUTO”
Tragedia lirica in tre atti, libretto di Salvatore Cammarano, dalla tragedia Polyeucte di Pierre Corneille.
Musica di Gaetano Donizetti
Severo, proconsole VITTORIO VITELLI
Felice, governatore di Mitilene / Un cristiano PAUL ROSNER
Poliuto, magistrato e sposo di MASSIMILIANO PISAPIA
Paolina DANIELA DESSI’
Callistene, gran sacerdote di Giove WOJTEK SMILEK
Nearco STANISLAS BARBEYRAC
Un cristiano ALAIN HERRIEAU
Coro e orchestra dell’Opéra di Marsiglia
Direttore Alain Guingal
esecuzione in forma di concerto
Marsiglia, 29 novembre 2012
C’est à une version concertante de Poliuto de Gaetano Donizetti que l’opéra de Marseille nous convie ce soir.Certains pensent que le manque de mise en scène va rendre l’ouvrage moins attractif mais les amoureux de Bel canto se précipitent. Les spectateurs un peu septiques au début se laissent prendre par les voix et la musique,et le triomphe final démontre qu’un opéra est avant tout un lieu dédié au chant et à la musique le reste,on peut s’en passer.
Donizetti est un compositeur très doué qui écrit avec une grande rapidité.Facilité et banalité diront quelques uns peu importe,il écrit pour faire triompher les voix virtuoses et ses ensembles où chaque partie peut être distinguée sont toujours équilibrés et agréables. C’est le célèbre ténor Adolphe Nourrit qui, se sentant un peu en perte de vitesse demande à Gaetano Donizetti de composer un opéra qui le mette en valeur et lui propose de s’inspirer pour cela du Polieucte de Pierre Corneille. Donizetti se met à l’ouvrage faisant appel à Salvatore Cammarano pour écrire le livret. L’ouvrage est d’emblée accepté par le théâtre San Carlo de Naples mais le roi très catholique Ferdinand II jugeant le sujet sacrilège fait interdire les représentations. Donizetti quitte l’Italie pour la France où il décide de reprendre Poliuto en français sous le titre “Les Martyrs” avec un livret écrit par Eugène Scribe respectant au plus près l’oeuvre de Corneille. Cet ouvrage est assez peu représenté et c’est la version italienne que nous écoutons ce soir.
L’ouverture avec intervention du choeur annonce par son intensité dramatique les ouvertures de Giuseppe Verdi,le moelleux des cordes faisant une belle introduction au bel ensemble des voix d’hommes. On peut reprocher au chef d’orchestre une gestuelle un peu trop dansante ce qui enlève du mordant à sa direction,mais cette souplesse quelquefois dangereuse avec l’orchestre et le choeur lui permet de suivre les chanteurs qu’il met à l’aise leur permettant de diriger leur voix plus librement.
La partition d’orchestre nous offre aussi de très beaux moments tel ce grand solo de clarinette qui donne l’occasion au soliste de s’exprimer avec virtuosité. Les sonorités de l’orchestre placé dur scène laissent passer les voix sans jamais les couvrir et s’adaptent à l’écriture musicale de Donizetti dans chacune de ses nuances. Les tempi sont choisis avec justesse donnant vie à l’action tout en laissant sonner les cordes dans les passages plus lyriques.
Daniela Dessì interprète le rôle de Paolina.Cette superbe soprano a chanté la plupart des rôles du répertoire italien avec les plus grands chefs d’orchestre et c’est avec bonheur qu’on peut l’entendre à Marseille pour la première fois.
Paolina n’est pas le rôle le plus virtuose que Donizetti ait écrit pour une soprano mais il permet toutefois de faire apprécier toutes les qualités vocales de l’interprète,aigus,vocalises,ornementations,changements de style et cette version concert nous laisse apprécier chaque note.
Ce qui peut caractériser Daniela Dessì est justement le style et l’élégance avec lesquels elle interprète Paolina. La qualité de son timbre se marie aussi bien avec les instruments de l’orchestre qui l’accompagnent qu’avec celui des autres chanteurs pour des duos ou sextuors intenses.Si certains aigus paraissent un peu métalliques,sa belle technique lui permet de passer des vocalises légères à un staccato d’une netteté parfaite.Elle chante avec intelligence et émotion et sa prière est d’une grande sensibilité.
Massimiliano Pisapia interprète Poliuto,ce ténor italien chante lui aussi pour la première fois à Marseille;sa voix ample et sonore séduit d’emblée.Ce rôle permet de faire entendre une voix puissante aux aigus éclatants et tenus avec fermeté. C’est le ténor italien dans toute sa virilité mais il sait aussi nuancer sa voix dans les passages plus sensibles permettant de transmettre l’émotion.Son grand duo de l’acte III avec Paolina est d’une grande pureté,sa voix est assurée dans chaque registre et si certains peuvent lui reprocher un peu trop de volume ce n’est jamais au détriment de la musicalité ni des autres artistes.
Le rôle de Severo est confié au jeune baryton Vittorio Vitelli. Déjà remarqué à Marseille en 2010 où il chantait dans” Attila”,il est un Severo de grande envergure à la voix généreuse. Donizetti écrit ici pour le baryton un rôle écrasant avec des airs puissants montant jusqu’au sol bémol. La large tessiture de Vittorio Vitelli lui permet d’atteindre cette note avec facilité et puissance tout en gardant le timbre profond qui le caractérise. Energie,vaillance,phrasé et rondeur de voix font de lui un baryton complet que l’on a envie d’entendre dans tous les grands rôles écrits pour cette voix. Son timbre s’accorde à merveille avec celui de Daniela Dessi et leur duo est un grand moment de l’opéra.
La voix de basse n’est pas oubliée par Donizetti et c’est Wojtek Smilek qui chante le rôle de Callistène. Nous l’avions entendu à Marseille en juin dernier dans “La Flûte Enchantée” et ses qualités sont ici encore remarquées. Belle prestance,voix chaude et puissante aux aigus sonores.Il passe sans forcer au dessus de l’orchestre et chante avec musicalité. Toutefois il manque de projection dans le grave donnant à ce moment l’impression que sa voix passe moins bien.Ses aigus sont amples et gardent la rondeur de sa voix et il change de registre avec homogénéité;mais c’est en deuxième partie qu’on peut l’apprécier pleinement.
Stanislas Barbeyrac que nous avions eu l’occasion d’entendre dans “Paillasse”en 2011 à Marseille est ici Nearco. Ce jeune ténor à la voix claire et au style pur chante avec souplesse et musicalité.Son vibrato un peu serré dans l’aigu ne nuit pas à son joli phrasé et on aimerait l’écouter dans du Mozart tant sa voix est agréable et bien utilisée.Il participe avec talent à cette représentation magistrale. Paul Rosner et Alain Herrian tous deux entendus à Marseille respectivement dans “Le Cid” et l’Oratorio “Naissance de David et Sassoun”ont tous deux fait une belle prestation tout à fait à la hauteur de ce beau plateu.
Un grand bravo aussi pour le choeur tout à fait investi,se faisant remarquer par un bel ensemble et l’homogénéité des voix.
Un ouvrage rarement joué mais digne des meilleures oeuvres de Donizetti remarquablement écrit pour les voix.