En toute sincérité avec Vittorio Vitelli. Ce jeune baryton italien a bien voulu répondre à quelques questions pour nous parler de lui et de sa vision de l’opéra. Un moment très agréable passé en sa compagnie.
Pour commencer,une question traditionnelle:comment êtes-vous venu à la musique?
Il n’y avait pas à proprement parler de musicien dans ma famille mais l’art était présent,mes parents peignaient et mon grand-père était fan d’opéras.J’ai écouté très tôt les airs des opéras les plus connus sans doute ai-je eu l’oreille formée par cette écoute mais à cette époque je n’y prêtais pas grande attention.
C’est grâce à des amis musiciens qu’à l’âge de vingt ans je me suis intéressé à la musique.Ma voix grave m’a donné l’envie d’apprendre le chant et le baryton Giulio Fioravanti,mon premier professeur,m’a décidé à le faire sérieusement. Je suis donc allé à Milan et auprès d’Aldo Bottion j’ai pu affirmer ma voix et ma personnalité.Pour payer mes études j’ai travaillé chez Ricordi la maison d’éditions ce qui m’a donné accès à de nombreuse partitions et en 1995,après une audition,j’ai été engagé pour chanter dans Lucia di Lammermoor dans le nord de l’Italie.Mais c’est après avoir gagné le concours international d’opéra de Placido Domingo Operalia à Bordeaux en 1996 et l’on m’a octoryé le prix Titta Ruffo,prix décerné au meilleur jeune baryton en 1997,c’est à ce moment que les portes de la scène se sont véritablement ouvertes pour moi:Rigoletto à Fano et Le Trouvère à Jesi.
Quels sont vos opéras favoris?
Sûrement beaucoup et plus particulièrement Macbeth,Le Trouvère,Otello,La Gioconda.
Avez-vous hésité avant de décider que le chant serait l’histoire de votre vie?
Absolument pas.Dès que le suis allé étudier à Milan en 1992,il était très clair pour moi que c’était dans un but professionnel, professionnel voulant dire pour moi avec sérieux et détermination,sans concession avec moi-même,mais surtout avec un plaisir immense.
Les mises en scène un peu particulières vous gênent-elles?
Deux questions se posent à moi: est-ce une mise en scène stupide et hors de propos,ou est-ce une mise en scène intelligente apportant un autre regard sur l’ouvrage en accord avec la musique? Dans le deuxième cas je m’adapte et je cherche à comprendre la vision du metteur en scène.Pour exemple le Macbeth mis en scène par Robert Carsen,que j’ai eu l’occasion de voir est pour moi une réussite.La quête du pouvoir étant de toutes les époques on peut donc à mon sens transposer cet opéra sans le défigurer.
Y a-t-il des situations dans lesquelles vous n’aimez pas vous trouver sur scène?
Bien entendu et cela m’est déjà arrivé. En principe je peux surmonter ce genre de problèmes,mais savez-vous? je peux aussi partir si je pense être vraiment gêné sans espoir d’amélioration. Chanter est un plaisir avant tout. C’est le point sur lequel je ne pense pas pouvoir faire de concessions.
Le choix des partenaires est-il important pour vous?
C’est important mais pas crucial.On doit pouvoir chanter avec tous ses partenaires même si certains vous mettent plus à l’aise que d’autres. Ceci dit il y a parfois des alchimies qui se créent et c’est fantastique,dans ces moment on ne joue plus,on est. Mais vous savez,dans ce métier il faut être souple et savoir s’adapter.
La personnalité des personnages vous influence-t-elle?
Pas vraiment. J’aime jouer la comédie et je me sens aussi bien acteur que chanteur,j’ai gardé une âme d’enfant et le côté théâtre me séduit toujours. Evidemment il y a des rôles dans lesquels je me sens plus à l’aise mais cela reste aussi lié à ma voix,par exemple si c’est bien écrit pour moi vocalement ou si je suis particulièrement en forme. Le rôle de Tonio dans Paillasse m’interpelle vraiment.
Y a-t-il un opéra en particulier dans lequel vous aimeriez chanter?
Je vous réponds tout de suite, l’Africaine de Giacomo Meyerbeer mais bon,le français reste une difficulté.
Est-ce un métier difficile?
On doit s’assumer chaque jour et chaque jour on se retrouve devant des problèmes qui sont souvent différents,mais ma carrière s’est construite lentement,marche après marche ce qui m’a donné le temps de me forger un caractère qui me permet d’assumer certaines situations.
Le choix du chef d’orchestre est-il important?
C’est un choix primordial. Il serait plus facile pour moi de chanter dans une production qui ne me conviendrait pas vraiment que d’être dirigé par un chef qui ne me comprendrait pas.
En plus de connaître parfaitement la partition,ce qui me parait évident,pour mettre les chanteurs à l’aise un chef d’orchestre doit avoir une grande connaissance des voix et aimer le chant,dans un sens très profond. Il est très facile de mettre un chanteur en difficulté.
Y a-t-il des théâtres où vous vous sentez tout de suite à l’aise?
Pas particulièrement. Les théâtre ont une chose en commun,l’on y chante et l’on y entend de la musique. Mais en y réfléchissant, Le Maggio Musicale Fiorentino où j’ai été invité plusieurs fois m’a mis à l’aise tout de suite.
Une rencontre que vous considérez comme une chance?
Ma rencontre avec Giulio Fioravanti,mon premier professeur,elle a déterminé le cours de ma vie.
Avez-vous fait l’expérience du plein air et était-ce difficile?
Oui,j’ai chanté plusieurs fois en plein air,je ne peux pas dire que ce soit particulièrement difficile mais il y a certaines difficultés que l’on rencontre lorsque l’on chante à l’extérieur,les problèmes liés à la température ,au vent,mais si vous prenez par exemple les arènes de Vérone où 22 000 spectateurs peuvent prendre place,l’acoustique est si bonne que c’est un réel plaisir d’y chanter.
Toscanini ne disait-il pas l’intérieur c’est pour chanter,l’extérieur pour les jeux de plein air?
Voyez-vous une évolution dans l’interprétation de l’opéra?
Toute évolution comporte naturellement des phases de replis,des stagnations et des accélérations mais sincèrement,je trouve que nous sommes dans une période de régression. Beaucoup de choses ont changé,les mentalités,la gestion des théâtres,la qualité du travail et je ne pense pas que la provocation fasse évoluer dans le bon sens.
Comment voyez-vous l’avenir de l’opéra?
Je ne sais pas vraiment,peut-être prendrons-nous le bon tournant.En tous cas j’espère toujours le meilleur.
Que diriez-vous à un jeune chanteur qui voudrait débuter une carrière?
Qu’il faut énormément de travail et de détermination mais aussi une grande force intérieure pour lutter contre le stress et la solitude auxquels nous sommes très souvent confrontés. Un métier qui peut vous changer le caractère mais tellement passionnant avec de si belles rencontres.